Depuis près d'un mois et à l'approche de l'été, des dizaines de malades mentaux hantent les artères commerciales du centre-ville de Jijel toute la journée. Le dernier recensement effectué par les services de la DAS a révélé l'existence de 58 personnes sans domicile fixe. Un chiffre évidemment fluctuant eu égard à la nature même de cette population très mobile. Les statistiques de la DAS dévoilent l'existence de 44 personnes sans domicile fixe (SDF) qui ont plus de 19 ans, dont 9 femmes et 35 hommes ; les 14 autres sont âgés entre 10 et 19 ans, dont 7 filles et 7 garçons. Les malades mentaux sont au nombre de 23. À noter que 57 SDF sont originaires de la wilaya de Jijel. Chaque année, à l'approche des grandes chaleurs, la ville de Jijel est envahie par ces malades au chef-lieu de wilaya. Ils sillonnent les rues, en guenilles, barbus, nus et très sales. Ils errent en gesticulant, brandissant, parfois, des objets dangereux, avec lesquels ils menacent les passants, particulièrement les femmes. Les marchés, les lieux publics (postes, banques, mosquées…) ainsi que les gares routières sont squattés quotidiennement par les SDF dont le nombre allant crescendo dévoile la précarité sociale d'une catégorie de la population. Evacués vers l'hôpital psychiatrique de Jijel, les malades mentaux retournent le lendemain aux mêmes endroits. La réglementation stipule que l'internement d'un malade mental errant ne peut être effectué que sur un arrêté du wali. Or, ce dernier ne peut signer le document que lorsqu'il s'avère par les services hospitaliers que le mis en cause est réellement atteint d'une maladie mentale. C'est une sorte d'aberration où chacun des services concernés ne peut agir avant la certification de l'autre. Une tournée effectuée au niveau du centre commercial de la ville nous a permis de constater un spectacle désolant : une femme avec son bébé dorment à même le sol devant un magasin de vêtements. Selon quelques personnes rencontrées sur les lieux, cette famille a passé les nuits froides de l'hiver à l'entrée du centre commercial ; elle a subi des sévisses sexuels par les ivrognes qui sillonnent les lieux la nuit. Un spectacle désolant qui non seulement défigure l'aspect de la ville, mais pire encore, émeut tous les citoyens avec le chômage et la pauvreté qui gagnent de plus en plus de terrain. Après l'indépendance, il est inconcevable que des malades mentaux courent les rues sans être soignés et que des personnes dorment sur les trottoirs. Mourad Bouchama