Photo : Riad De notre correspondant à Constantine A. Lemili La question des SDF et celle de la mendicité est sans doute similaire au sujet du verre à moitié rempli ou à moitié vide selon qu'il optimise ou rend compte d'une manière négative la réponse à cette autre question. Il y a quelques jours, les responsables de la direction de wilaya de l'action sociale, s'ils n'exultaient pas, n'en étaient pas moins réjouis du recensement de plus de 200 sans domicile fixe. Le nombre réel est évidemment nettement plus élevé au vu de la nature des prestations des services concernés de la DAS, lesquels en réalité n'agissent ou se rappellent au bon souvenir des médias que lors d'opérations circonstancielles spécifiques. Souvent, à l'arrivée du froid hivernal… même si cette saison est, jusqu'à maintenant, pour le moins clémente. Bien entendu, les directeurs de l'action sociale successifs ont toujours répondu au feu nourri de questions des journalistes au cours de conférence de presse que «mendiants, SDF et autres personnes errantes n'appartiennent pas à la ville de Constantine, mais viennent d'autres wilayas». Et, plus grave encore, l'argument est souvent alourdi par un inquiétant «certaines wilayas n'hésitent pas à procéder au transfert de ces personnes de leur région à la nôtre en utilisant les moyens de l'Etat [transport, ndlr]». Ces clandestins de la vie seraient donc recueillis ailleurs, transportés et déposés à des heures indues dans la ville. Vraisemblablement, la réciproque serait tout autant vraie. Autrement dit, il n'est pas exclu que Constantine évacue son surplus de personnes indésirables ailleurs, si Skikda, Annaba, Jijel… en font de même. Une sorte de cercle vicieux que, de guerre lasse, les responsables concernés par le phénomène cessent de contrecarrer jusqu'à ce que la situation arrive à son comble. La diminution du nombre de mendiants à travers les artères de la ville est incontestable et les paisibles citoyens soufflent quelque peu non pas par un besoin de désolidarisation des difficultés d'autrui mais du manège et des scènes affligeantes auxquels se livraient les éléments d'une véritable cour des miracles aux cris desquels aucune âme sensible n'était en mesure de résister. Toutefois, les SDF sont toujours là et bien là, contrairement aux affirmations des responsables de la DAS. Car ce n'est pas en sillonnant les artères illuminées de la ville, les quartiers huppés, qu'ils auraient l'opportunité d'en rencontrer. Est-il besoin de rappeler que le SDF est plutôt enclin à rechercher un endroit où passer la nuit, voire dormir en cours de journée quand il n'y parvient pas la nuit. Il est par conséquent évident qu'il ne peut être qu'à la quête d'endroits éloignés de tout regard.Dans le cadre de sa mission, la DAS s'engage à maintenir la pression sur cette catégorie de la population jusqu'à l'éradiquer. Faudrait-il encore qu'au-delà d'être seulement arrachée aux vicissitudes de l'existence par un séjour de quatre ou cinq semaines au sein des centres d'hébergement (Diar Errahma), que des solutions à long terme y soient trouvées, comme par l'occupation d'un emploi, aussi rudimentaire soit-il, une formation, un apprentissage pour les plus jeunes, voire les mineurs. Et s'il y a des raisons que nous rencontrions des SDF tous les jours que Dieu fait, il n'y a pas de raison que les services de la DAS n'en fassent pas de même. Il suffirait que ses fonctionnaires et agents aillent sous les ponts de la ville (et ils sont nombreux), dans les cages d'immeuble, aux alentours des hôtels Cirta, Panoramic et les Princes… en raison des restes de repas jetés aux animaux errants mais qui repaissent aussi des ventres affamés. Et forcément, ces mêmes fonctionnaires ne doivent pas y aller entre 9h et 15h de la journée (même si les responsables affirment entamer leur travail à partir de 20h. Ce que leur impose d'ailleurs la réglementation), autrement dit aux heures de bureau mais au moment où cette population est livrée à elle-même… seule au monde… la nuit. Et c'est pour cela qu'entre la réalité et le discours officiel, le décalage est énorme.