Fille d'un physicien, penseur et peintre grec et d'une mère suisse vidéaste engagée, Alexandra Roussopoulos grandit à Paris dans un milieu d'intellectuels et d'artistes. Ayant effectué deux séjours en Algérie dans une résidence d'artistes, avec exposition d'œuvres, elle garde d'Alger l'image d'une ville de lumière et de poésie qui inspire les créateurs. Rencontrée lors d'une conférence à Paris, elle a bien voulu accorder un entretien à Liberté. Liberté : Dans vos créations picturales, vous avez choisi une voie plutôt singulière… Alexandra Roussopoulos : Oui, dans ma recherche picturale, je poursuis une voie singulière, entre géométrie sensible et gestualité, non loin du minimalisme. Je cherche l'équilibre dans la rencontre avec l'espace dans lequel je me trouve. J'aime reposer les questions liées à la peinture, la profondeur, la couleur et la composition. La trace, la mémoire sont au cœur de ce que je fais. J'utilise le papier de riz afin de jouer avec des espaces différents. J'ai étudié dans une école d'art à Londres. En Angleterre, je me suis construite avec des artistes anglo-saxons ou américains, comme Franck Auerbach, Joan Mitchell ou Georgia O'keefe. Cela fait des années que je suis en relation avec les œuvres de Serge Poliakoff grâce à sa petite fille Marie-Victoire Poliakoff dont la galerie se trouve à Paris et chez laquelle j'expose régulièrement. Etel Adnan, Geneviève Asse, Thomas Huber, Alberto Burri, Sol Lewitt sont des artistes qui nourrissent ma pratique. Comment s'est effectuée votre jonction avec l'art pictural algérien ? J'ai été invitée deux fois aux Ateliers Sauvages à Alger par Wassyla Tamzali, en 2017 et 2018. C'est une résidence d'artistes dans un lieu magnifique. C'est une chance extraordinaire d'y travailler. Cela a permis une liberté nouvelle, un nouveau souffle. Après la disparition de mes parents, j'ai eu besoin d'un ailleurs et d'un dépaysement. J'ai fait des résidences d'artistes en Chine, Slovénie, Irlande, Grèce, Algérie… Cela m'a donné la possibilité de travailler avec des artistes algériens que je n'aurais peut-être jamais eu l'occasion de rencontrer. Quelle a été la réaction du public algérois ? J'ai exposé aux Ateliers Sauvages et à l'Institut français d'Alger l'ensemble du travail réalisé sur place (des peintures, des photographies et des pièces co-élaborées avec des artistes algériens). C'était fort de présenter ces pièces très peu de temps après leur création. À chaque fois, une rencontre était organisée avec le public, à travers une présentation ou la projection d'un film. C'est un moment où l'on se dévoile, où l'on s'expose vraiment. Le public algérois était très intéressé, curieux et généreux. Avez-vous trouvé de l'inspiration en Algérie ? J'ai eu un coup de foudre pour la ville d'Alger, son rapport à la mer, sa beauté architecturale, sa fragilité, ses possibilités et ses empêchements. Sa splendeur m'a profondément émue. Cela a eu un grand impact sur mon travail. J'ai rencontré et travaillé avec des artistes incroyables : Sofiane Zouggar, Djamel Agagnia, Adel Bentounsi, Feriel Gasmi-Issiakhem, Fella Tamzali-Tahari, Kheira Slimani... Je suis admirative de l'artiste Baya, de ses couleurs, son dessin et ses compositions. Son œuvre m'impressionne beaucoup. J'ai été heureuse de retrouver ses peintures à Alger. Bien sûr, je suis aussi les artistes algériens contemporains qui sont très présents en France. Enfin un film, Venue, Revenue de Hichem Merouche rend compte de mon expérience algérienne. Comme projet, un livre intitulé Jetée à pierres perdues va paraître à l'automne prochain rendant compte de ces deux passages à Alger. Il sera édité par Les Cahiers dessinés, en partenariat avec l'Institut Français d'Alger. Je reviendrai en Algérie avec une grande joie lors de sa présentation !