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"De la géométrie sensible"
EXPO DE ALEXANDRA ROUSSOUPOULOS AUX ATELIERS SAUVAGES
Publié dans L'Expression le 06 - 04 - 2017


Installation de Sofiane Zouggar
Après avoir passé trois semaines en résidence à Alger, l'artiste a donné à voir mardi le résultat de son travail artistique et les pièces réalisées en collaboration avec d'autres artistes, algériens.
Elle s'apelle Alexandra Roussoupoulos. Comme son nom l'indique elle est originaire de Grèce. Artiste peintre de formation, celle dont le ciel de la Méditerranée coule dans les veines était l'hôte des ateliers sauvages durant trois semaines. A Alger, notre artiste s'est tout simplement laissé guider au gré de ses flâneries et se fondre dans le décor plutôt délabré de «Alger la Blanche». Le résultat de ses errances a donné naissance à une belle exposition dévoilée mardi dernier dans les vastes locaux de Wassila Tamzali, sise rue Didouche Mourad. D'entrée, ce qui frappe le regard, ce sont ces formes géométriques et autres cubes qui inondent l'espace et notamment dans les images accrochées aux cimaises de la galerie. De l'art conceptuel en somme qui paraît hermétique au premier abord et pourtant au fur et à mesure que nous nous baladions au milieu de cette scénographie faite de béton, de photos épurées et de vidéos, ces deux mots avoués par notre artiste prennent tout leur sens: «De la géométrie sensible». Artiste peintre d'abord, Alexandra Roussoupoulos a par ces oeuvres su nous restituer ici sa passion de la lumière, combinaisons minimalistes des couleurs, aussi bien que la profondeur des objets qu'elle réalise. Tout n'est que redondance plastique, des éléments qui se font échos comme par correspondance dans cet espace au gré de notre promenade artistique. Au départ, il y a eu l'arrivée d'Alexandra dans cet atelier et le chemin qu'elle a parcouru pour pénétrer dans cet antre de réflexion esthétique. A l'entrée, le regard bute forcément vers ces carreaux en verre, mais aussi ces trous et failles dans le carrelage et qu'il faut éviter ou contourner pour ne pas se blesser. Pris comme parabole d'une Algérie en éternelle reconstruction et déconstruction, l'artiste prend à témoin l'oeil du spectateur et l'invite à pénétrer ses sensations, mieux à saisir les modulations de son «regard reconstruit» à traverser une multitude d'images qui sont autant «de paysages mentaux» que de questionnements sur les lieux par lesquels elle s'est promenée. Aussi dans la série «Dépaysage» il est justement question de cette déconstruction spatio-temporelle mise en exergue dans des images aux couleurs épurées, des fragments de géométrie variables. Comme nos sentiments ou points de vue, qu'importe l'angle d'où on se place, forcément tout n'est que relativité et ambivalence. «L'architecture d'Alger est aussi bien magnifique que délabrée», nous confie l'artiste. Ces moments de vie inscrits sous son mental créatif, l'artiste en a dressé des traces abstraites, bien suggestives pour y introduire des instantanés fugitifs qui font échos à ses «histoires personnelles», nous fera t-elle remarquer. comme ces morceaux de carrelages qu'elle fera teindre de couleur verte en restituant ses empreintes sur du papier qu'elle collera au mur. Le passage du temps, est un élément immatériel que l'artiste a voulu marquer en photos et en couleurs. Dans une vidéo d'art signée Adel Bentounsi, l'artiste a encore une fois pris la peine d'immortaliser, ce qui reste comme souvenir des passants dans la rue et notamment des femmes voilées. Sans prendre parti pour cela (ceci n'est pas le sujet de cette vidéo) l'artiste a plutôt tenté de rendre visible ces visions fantomatiques de corps en mouvement. Aussi une silhouette d'un corps qui se meut à l'intérieur d'une boule de tissu en noir est mise en exergue. Une performance signée Adel Bentounsi exécutée au sein même de cette cour marbrée de carrelages des Ateliers sauvages. En face, dans le mur une fente suggère sans le vouloir ce spectre noir. L'idée est axée sur la forme, comment la lumière se reflète sur le noir. «Mouvement is freedom» nous a suggéré quelqu'un comme titre et cela sonne bien» reléve Alexandra avec le sourire. Au milieu de l'espace des Ateliers, trône presque dans sa taille réelle une grosse pierre telle celle que l'on retrouve dans les ports pour empêcher les vagues de pénétrer la terre. L'artiste Djamel Agagnia a su restituer par différents moyens dont seul lui connaît le secret, ce colosse gigantesque qui a longtemps impressionné et attiré l'attention de notre artiste lors de sa promenade à Raïs Hamidou (ex-Pointe Pescade). Aussi la mer, ce plan fixe et sa voix off sont aussi discernables dans une autre vidéo, signée cette fois par Hichem Merouche. Alexandra avoue qu'elle a dû changer d'avis sur ce bloc en pierre qui estime-t-elle est «d'une apparence hideuse, mais en voyant les enfants jouer à côté et les hommes pêcher tranquillement, j'ai changé d'avis...» concluant que ce rocher «a la géométrie d'un jeu». C'est ce que Sofiane Zouggar a tenté en effet de matérialiser à travers son installation murale (qui rappelle ce fameux jeu coloré «le rubis cube» faite à l'aide de carton protéiforme, sur laquelle sont projetées les images de carrelages. De la notion d'empreinte Kheira Slimani plasticienne et prof aux Beaux-Arts a travaillé avec différents étudiants lors d'un worskhsop pour rendre compte de cette thématique via de nombreux dessins et peintures. La géométrie et le graphisme avaient aussi droit de cité et le but était de figer ce qui pouvait en découler après coup. De toutes ces oeuvres, une seule aura attiré en tout cas notre attention. Sur le mur au fond, un grand volume de papier peint (papier de riz),à l'intérieur, on y décèle un autre, désarticulé dans les tons gris délavés et cela pourrait être un coeur qui bat, mais un peu déformé par les aléas du temps et les péripéties. Des petites taches blanches intempestives comme des noeuds de tension donnent du relief, mais du caractère aussi à cette oeuvre nerveuse, «Au départ c'était un accident qui est devenu un choix.» fait remarquer l'artiste à propos de ces taches blanches.. Alexandra appelle cela «Des griffures» Aussi intrigante que soit cette expo, même si hermétique au commun du mortel, elle n'est pas moins subjuguante par le sens caché qu'elle suggère en nous: des égratignures dont la cicatrice se fait et se défait en fonction de la profondeur de l'écorchée que nous sommes. Et l'art peut guérir plus d'un. La preuve, cette expo qui sent la liberté de foi créatrice, nous a donné un réel bol d'oxygène. Le vent de Poséidon a soufflé assurément par là. Notons que d'autres personnes ont collaboré à cet évènement, Fella Tamzali, Véronique Beucler (écrivain). Car «cette expo est faite de toutes ces rencontres que j'ai faites durant mon séjour ici..» conclut l'artiste Alexandra Roussoupoulos.


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