Les ministres des Moudjahidine et de la Culture ont annoncé, lundi, que Ben M'hidi n'a jamais été "interdit". Sur ces déclarations, Bachir Derraïs soutient le contraire. Le film Ben M'hidi, avant même sa sortie, se retrouve une nouvelle fois au cœur d'une polémique depuis quelques jours. Suite à l'annonce du réalisateur Bachir Derraïs de son "interdiction définitive" sur son compte Facebook, le 5 décembre, voilà que les ministères concernés contredisent cette information. Selon l'APS, lors de l'inauguration, lundi, d'une exposition d'affiches de cinéma à Alger, Azzedine Mihoubi, ministre de la Culture, a indiqué que ce film n'a "été ni interdit ni censuré, et que la commission de visionnage attend toujours une réponse concernant les réserves que le réalisateur s'est engagé à lever". Il a par ailleurs "démenti" le réalisateur en soutenant que les ministères de la Culture et des Moudjahidine "ne sont nullement intervenus dans cette œuvre cinématographique". Pour sa part, Tayeb Zitouni, ministre des Moudjahidine, lors d'une visite de travail à Aïn Témouchent (article paru dans notre édition d'hier), a "affirmé" que le biopic n'a pas été "interdit". Tout en précisant : "Le point de discorde entre le ministère et le réalisateur se résume dans le respect du scénario et du contrat qu'il avait signé." Afin d'obtenir plus de détails sur ces contradictions entre les deux ministres et Derraïs, nous avons contacté le réalisateur, qui s'est dit "scandalisé" par ces déclarations. "Ben M'hidi contient 80 séquences, si je dois couper 45, il ne restera rien du film ! On me demande de retirer 60% des séquences, et si je m'exécute cela deviendra un court métrage", a-t-il martelé. À rappeler que lors de la dernière réunion tenue le 29 septembre dernier avec la commission de visionnage relevant du ministère des Moudjahidine, les deux parties étaient "tombées d'accord sur 95% des points discutés". Mais selon les dernières déclarations de Mihoubi, le producteur exécutif, à savoir Derraïs, "n'a toujours pas levé toutes les réserves comme il s'était précédemment engagé avec la commission, le dernier procès-verbal de celle-ci montre que ces réserves demeurent pratiquement telles quelles (…) ce qui a amené la même commission à renouveler sa demande à son adresse, à savoir la levée des réserves". À ce propos, notre interlocuteur a précisé que "sur les 45 remarques, je me suis engagé à faire le maximum en corrigeant quelques coquilles, mais je ne peux toucher à la création artistique". Sidéré par cet "acharnement" contre son long métrage, Bachir Derraïs estime que cette "requête" de retirer ces 45 séquences pour la sortie du film est un moyen de "chantage, de menace et de censure". "Il y a une volonté de bloquer mon film. Depuis 2015, ils n'ont jamais fait sa promo à travers les festivals ou autres évènements. Aussi, il y a d'autres points comme le refus de transfert d'argent vers l'étranger par Mihoubi, alors qu'il l'a accordé à Yamina Benguigui pour le film Sœurs." Pour le réalisateur, ce biopic "dérange", car il évoque l'aspect politique de la révolution. D'ailleurs, à ce sujet, il a insisté sur le fait qu'"il n'y a aucune liberté d'expression et aucune volonté pour la relance du cinéma algérien. C'est une honte, le ministère de la Culture remet notre histoire à des réalisateurs étrangers, notamment syriens et iraniens, pour l'écriture de notre histoire", s'est-il insurgé. Et de poursuivre : "On efface le travail effectué depuis ces 50 dernières années ! Le système a mis volontairement le cinéma sous perfusion pour contrôler les réalisateurs et producteurs, et ce, par peur que le monopole lui échappe." Concernant les alternatives pour sauver Ben M'hidi des tiroirs du ministère, Bachir Derraïs espère pouvoir racheter les droits du film. "Si ce biopic ne leur plaît pas, ils n'ont qu'à céder les droits. Je vais essayer de négocier avec les concernés pour le rachat de leurs parts. Plusieurs producteurs sont intéressés par le film", a-t-il indiqué. Et de conclure : "Ce film m'a pris cinq ans de ma vie, je ne vais pas l'abandonner !" H. M.