Le Centre de recherche et d'études sur le mouvement national a adressé un courrier au réalisateur, en signifiant que son film portait atteinte aux symboles de la Révolution. La sentence vient de tomber concernant le film Ben M'hidi de Bachir Derraïs : il est interdit de projection en Algérie. Sur son compte Facebook, le réalisateur a publié la nouvelle parvenue du Centre de recherche et d'études sur le mouvement national et la Révolution, qui a soumis le biopic à une commission de visionnage – ou, plutôt, de censure. Suite à cette annonce, nous avons contacté Bachir Derraïs qui s'est dit "vexé" et "choqué" par cette décision. À propos du courrier reçu par le centre de recherche, il a indiqué que les auteurs de la lettre étaient "mécontents" du film. Car "il n'y a pas assez de violence et de torture. Ils ont mentionné que le biopic était assez politique". Sur ce choix de mise en scène, le réalisateur a précisé avoir fait une œuvre "sur les coulisses et les stratégies déployées par Ben M'hidi. Je ne voulais pas réaliser un film de guerre, mais un long métrage sur la résistance et la lutte". Tout en ajoutant : "Ils voulaient de l'exagération dans les scènes d'embuscades et de tortures." Le plus "hallucinant", entre autres, dans ce courrier est d'avoir accusé le réalisateur de "toucher" aux symboles de la Révolution. "La commission de censure n'a pas aimé le fait de voir les moudjahidine avoir des différends. Ils voulaient voir tout le monde s'aimer et s'embrasser. Alors que la réalité était autre !" Pour la concrétisation de ce projet, Bachir Derraïs a dû faire des recherches minutieuses entre témoignages de la famille de Ben M'hidi, des historiens et d'images d'archives. "J'ai mis cinq ans de ma vie pour le réaliser, afin qu'un bureaucrate vienne tout remettre en question", s'est-il insurgé. Et de préciser : "Ce film contient des faits réels, je n'ai rien inventé. Ils devraient en débattre après sa projection avec les citoyens et les historiens." Concernant le droit de regard du ministère des Moudjahidine, notre interlocuteur a signalé qu'ils "sont coproducteurs et possèdent seulement 29% des parts. Ils ne sont pas majoritaires". D'ailleurs, il a informé que l'affaire sera portée devant le tribunal. "Je vais remettre les contrats aux avocats pour les éplucher, et ce, afin de savoir si le ministère a droit à un regard d'influence sur mon film." Et de conclure : "C'est un film indépendant et non une demande du ministère. En censurant Ben M'hidi, ils touchent à notre liberté d'expression." Dans l'optique d'avoir plus de détails sur cette affaire, nous avons contacté le centre de recherche et d'études sur le mouvement national et la Révolution. À cet effet, le directeur de cet établissement, placé sous la tutelle du ministère des Moudjahidine, a nié en bloc le refus de projection. "Nous n'avons pas encore visionné le film. Il n'a jamais été interdit de diffusion. Il faut demander aux ministères de la Culture et des Moudjahidine", a-t-il rétorqué avec beaucoup d'agressivité et d'hésitation, sans donner suite à la conversation. À noter que cette décision d'interdire la projection du film en Algérie relève de la contradiction de la part des concernés. Car, à rappeler que lors d'une conférence de presse donnée en juillet 2016, le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, avait "rassuré" le réalisateur en précisant qu'il allait fournir tous les moyens pour l'achèvement de ce film. "Ben M'hidi est un film sur la mémoire, et il raconte le parcours d'un symbole de la Révolution. Il faut que la nouvelle génération ait un repère (...). En collaboration avec le ministère des Moudjahidine, nous allons fournir tous les moyens pour sa réalisation et sa sortie pour le 60e anniversaire de l'assassinat de Ben M'hidi" (paru dans notre édition du 31 juillet 2016). Hana Menasria