Les mareyeurs accusent les autorités d'avoir dégagé 40 milliards de centimes pour aménager et transformer les toilettes d'une ancienne salle de cinéma en marché aux poissons. Au moment où le poisson se fait rare, les mareyeurs de Collo font l'objet d'attaques virulentes de toutes parts. Ils sont accusés de ne pas respecter les règles relatives à la pratique commerciale, à l'hygiène et au bon voisinage. Un comportement qui, semble-t-il, envenime le quotidien des habitants de plusieurs quartiers. La situation est devenue si tendue que l'union locale des commerçants et artisans ainsi que les riverains de l'avenue Stambouli-Mustapha, où se trouve la pêcherie de la ville, viennent de soumettre leurs préoccupations au wali de Skikda devant la défaillance des autorités locales quant au règlement du problème. Selon les protestataires parmi les riverains, les vendeurs de poisson installent, avant même le lever du jour, leurs étals en occupant toute l'artère. Il arrive que la journée commence par des bagarres entre revendeurs se disputant les espaces d'exposition-vente. Avec l'arrivée des premiers clients commence alors un brouhaha indescriptible qui, semble-t-il, les dérange au plus haut point. En plus de cela, le poisson est un produit sensible. Et comme l'hygiène publique est un véritable problème dans nos villes, l'avenue devient, dès midi, un véritable foyer de tous les insectes. L'odeur du produit en décomposition enveloppe l'atmosphère. L'APC s'en lave les mains Les services de la commune jettent la balle aux vendeurs. Ces derniers sont accusés par les élus locaux de ne pas respecter la réglementation. Un membre de l'assemblée nous expliquera que la commune vient de dégager la bagatelle de 40 millions de centimes pour aménager le marché aux poissons. “Malgré cela, les vendeurs préfèrent s'installer à même la chaussée plutôt qu'à l'intérieur du marché où des carrés leur ont été affectés”, précise-il, avant de poursuivre : “Nous n'avons jamais failli à notre mission. Il arrive que des élus assistent aux interventions des services de l'ordre pour faire évacuer la voie publique.” Les revendeurs, eux, accusent les responsables locaux de mépris ; ils considèrent les actions menées par les élus en inadéquation avec le fond du problème. Sur le vacarme qu'ils provoquent, l'un d'eux explique qu'un “marché aux poissons est toujours synonyme de vacarme et ce, même au Japon. La vente se fait toujours à la criée, c'est le charme même de ces lieux de négoce”. À propos de leur refus de limiter leur présence à l'enceinte des murs de la pêcherie, un mareyeur d'un certain âge renvoie la balle aux autorités locales. Pour notre interlocuteur, “ce qu'ils appellent pêcherie est, en fait, un ancien urinoir d'un ex-cinéma, soit un couloir exigu de quelques mètres de longueur. Entrez et vérifiez si dans cette tombe peuvent circuler plus de 10 clients au même moment. La vente de poisson est limitée à la matinée. Ce sont plus de 3 000 acheteurs qui se présentent quotidiennement dans les lieux, en l'espace de 3 heures”. Appuyant son collègue, un autre dira : “Le soi-disant marché aux poissons s'est disqualifié de lui-même. Ailleurs, on aménage des marchés à coups de milliards et ici, on parle de 40 millions de centimes. Et encore, c'était de l'argent gaspillé, car ils auraient dû faire une étude de faisabilité avant d'entamer les travaux. On a besoin d'un marché à la hauteur de la réputation du port de pêche de Collo, et non de l'aménagement d'un urinoir de moins de 50 mètres carrés.” En dehors des trois parties en conflit, le reste de la population locale s'est aussi impliqué dans le débat. Pour un ex-élu, “ce qu'on oublie c'est que dans ces petites localités de l'Algérie profonde, la bonté et la générosité ont leurs règles”. 1 000 familles vivent de la pêche Collo, comme toute ancienne ville coloniale portuaire, a toujours eu ses deux marchés de légumes et aux poissons. L'un à côté de l'autre. Le poisson est intimement lié à la vie de la cité. Actuellement, quelque 1 000 familles vivent de et autour de l'activité de la pêche. Ainsi, l'ancienne pêcherie se trouvait au rez-de-chaussée de l'ex-hôtel de ville sur la principale route, actuellement avenue Kouicem-Abdelhak, avec vue sur le port. Avec la construction de la nouvelle mairie, la poissonnerie a gardé ses lieux. D'un espace couvert et vaste, elle est dotée de toutes les commodités d'hygiène et de sécurité. Entres les étals, des tables de travail en marbre recevaient les grosses pièces que des spécialistes, comme le défunt aâmi Mohamed Ben Ali Ben Salah (Affalou), transformaient en tranches, en darnes et en filets. Collo, port de pêcheurs, a besoin de ses enfants vendeurs d'un produit qui fait vivre plus du tiers de la population. Dans une perspective touristique, le marché de poisson peut aussi devenir un hiatus à mettre en évidence. Pour cela, il suffit que les problèmes de la cité soient traités dans un cadre de concertation, en s'attaquant aux vrais problèmes et loin de toute manipulation. Quant à l'hygiène dans la ville, c'est un autre problème… Mourad KEZZAR