Fidèle à sa ligne d'opposant au pouvoir actuel, Ahmed Benbitour ne partage pas la manière avec laquelle sont gérées les affaires de l'Etat. À commencer par la préparation en cours de l'élection présidentielle. Ainsi, interrogé sur la possibilité de voir Abdelaziz Bouteflika briguer un nouveau mandat présidentiel, l'ancien chef de gouvernement a expliqué qu'en l'absence de contre-pouvoirs, "rien n'empêchera" l'actuel chef de l'Etat de se porter candidat. Plus que cela, à un citoyen qui lui demandait si Abdelaziz Bouteflika pourrait s'abriter derrière le Conseil constitutionnel pour justifier une nouvelle candidature, Ahmed Benbitour a répondu, sans détour : "Mais il n'a pas besoin du Conseil constitutionnel !" "S'il veut se représenter pour un cinquième mandat, personne ne peut l'en empêcher !". "Lorsque l'actuel Président est arrivé à la tête de l'Etat, il avait réformé la Constitution pour ouvrir le nombre de mandats (…), puis, en 2016, il a changé pour revenir à l'option des deux mandats. Il est donc dans une position de délit d'initié, puisque la Constitution ne lui permet pas de briguer un cinquième mandat", a-t-il rappelé. Toujours critique envers le pouvoir, Ahmed Benbitour s'interroge sur l'absence de mesures concernant l'application de l'officialisation de tamazight comme langue officielle. "Il y a eu effectivement tamazight dans la Constitution. Mais sur le terrain, je n'ai pas eu connaissance de mesures visant à concrétiser cette officialisation. Rien de concret n'a été fait depuis" l'officialisation de tamazight en 2016. S'inscrivant dans une opposition "pacifique", Ahmed Benbitour, qui fait partie des fondateurs du mouvement Mouwatana, a rappelé que l'opposition algérienne est "pacifique". "Il est rare de trouver, dans le monde, une opposition aussi pacifique que celle qui existe en Algérie", a expliqué le conférencier qui précise, en revanche, que "c'est le pouvoir qui est violent". Cela ne signifie pas, pour lui, qu'il ne faut pas "créer un rapport de force" qui doit mener à l'alternance. "Notre souhait est d'aller vers une alternance, sans violence", a-t-il insisté, tout en se montrant pessimiste puisque, a-t-il rappelé, tous ceux qui se sont accrochés au pouvoir par la force finissent par partir de la même manière. Ce constat n'empêche pas l'homme d'exclure la possibilité de le voir se présenter à l'élection présidentielle. "Ce n'est pas que je ne veux pas servir mon pays. Mais le problème est que les conditions ne sont pas réunies." À la question de savoir ce qu'il pensait d'un gouvernement fédéral, Ahmed Benbitour, qui n'a pas donné les contours de ce que devra être ce mode de gouvernance, a, néanmoins, plaidé pour une création de pôles régionaux, du moins dans le domaine économique. Mais il estime qu'il faut faire attention aux plans venant de l'étranger, comme le Grand Moyen-Orient qui vise à "décapiter" les Etats. Il a, en revanche, plaidé pour une plus grande coopération intermaghrébine. Ce qui passe par l'ouverture des frontières avec le Maroc. Malgré la crise, Ahmed Benbitour rappelle qu'il faut "garder espoir". Pour lui, tout n'est pas encore perdu. Ali Boukhlef