Les membres de l'Assemblée nationale ont estimé qu'une loi sur la lutte contre la corruption ne suffit pas pour endiguer le phénomène. Bien qu'une campagne sans précédent soit actuellement menée par le gouvernement contre les hauts cadres de la nation impliqués dans des affaires de corruption, les députés n'ont accordé, hier, que peu d'intérêt au projet de loi de lutte contre le fléau, présenté dans la matinée par le ministre de la Justice, Tayeb Bélaïz. À peine 59 députés, sur les 389 siégeant à l'Assemblée nationale, se sont inscrits pour le débat général. Le garde des sceaux a fait son exposé dans un hémicycle pratiquement vide. Tayeb Bélaïz s'est d'ailleurs limité à expliquer sommairement le projet de loi, sans discourir sur le contexte politique et juridique dans lequel il intervient. “Ce projet de loi deviendra une référence pour la lutte contre la corruption. Il a été élaboré sur la base d'une évaluation chiffrée des textes en vigueur et des expériences nationales en la matière. Il ne se limite pas à pénaliser et sanctionner, mais contient également des mesures de prévention contre la corruption”, a-t-il soutenu. Le projet de texte réprime les auteurs de fausses déclarations de patrimoine et le financement occulte des partis politiques. Les élus, ayant participé au débat général, ont été quasiment unanimes à affirmer que la présente loi, aussi bonne soit-elle, ne participera que partiellement à endiguer le phénomène, qui a pris des racines très profondes dans les institutions et l'administration. Selon Djelloul Djoudi, président du groupe parlementaire du Parti des travailleurs, la misère rend les gens vulnérables devant la tentation du gain facile. De son avis, avant de renforcer l'arsenal législatif, le gouvernement aurait dû penser à résorber la crise du logement, celle du chômage et à accroître le pouvoir d'achat des citoyens. Chakour Salim du mouvement El-Islah a également estimé que le gouvernement a mis la charrue avant les bœufs. “Il aurait fallu d'abord réformer l'administration, réviser la loi sur la fonction publique et revaloriser les salaires des citoyens”. Il a soutenu, en outre, que la corruption n'est pas pratiquée uniquement dans les secteurs économiques et de la justice, mais aussi au sein des partis politiques. Il n'en révélera pas davantage à ce propos. Abdelkrim Dahmane, député MSP, a donné, pour sa part, la priorité à la révision du code pénal et du code de procédures pénales. Il a souligné que les corrompus utilisent des techniques high-tech. “Est-ce que l'Etat dispose réellement des moyens de sa politique”, s'est-il interrogé. Il a souligné, à l'occasion, la faiblesse du Parlement dans la mise en œuvre de ses missions et l'absence de la société civile en tant que contre-pouvoir garant du respect de la droiture en tout domaine. Abdelhakim Fenni, élu FLN, a rappelé que le terrorisme a grandement favorisé la propagation du phénomène. Il a regretté que le membre du gouvernement n'ait pas fourni des chiffres, matérialisant l'ampleur des pertes annuelles occasionnées par les crimes économiques. “Si nous avions ces données, nous aurions su si la corruption est en recul ou au contraire s'amplifie”. Il a noté qu'il n'est pas normal que les complices d'un acte de corruption, particulièrement la personne qui paie pour obtenir un privilège quelconque, ne soient pas pénalisés par le projet du gouvernement. Son collègue au groupe parlementaire de la majorité, M. Guerza, a relevé les carences dans le contrôle des finances publiques, qui facilitent, à ses yeux, les manœuvres frauduleuses. Il a plaidé pour le rétablissement de la loi portant présentation à l'APN des budgets d'investissement des entreprises, laquelle a été abrogée en 1989. Plusieurs députés ont parlé de l'implication des élus locaux dans des affaires de corruption. S. H.