Le président de l'Association algérienne de lutte contre la corruption, Djilali Hadjadj, estime que pour combattre la corruption, il faut garantir l'indépendance de la justice, protéger les donneurs d'alerte et renforcer le droit d'accès à l'information. Il regrette le blocage de la Cour des comptes qui peut pourtant constituer un maillon important dans le contrôle des marchés publics D'autres scandales de corruption de l'ampleur de celui de Khalifa ne sont pas à écarter. Djilali Hadjadj, président de l'Association algérienne de lutte contre la corruption, prévient contre l'étendue du phénomène qui s'amplifie davantage avec l'importance des mannes financières injectées dans les différents secteurs. Invité de l'émission hebdomadaire « En toute franchise », diffusée sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale, M. Hadjadj relève ainsi l'opacité entourant souvent l'octroi des marchés publics. Pour étayer ses propos, il souligne que les pays connus pour être les principaux partenaires économiques de l'Algérie, notamment la France, la Chine, l'Espagne et l'Italie sont « très mal classés » dans l'indice de perception de Transparency International, ONG mondiale de lutte contre la corruption basée à Bruxelles. ABSENCE DE TRANSPARENCE Cela pose, selon lui, un sérieux problème de bonne gouvernance et de transparence dans la gestion des biens publics. M. Hadjadj parle également de manque d'instruments efficaces de lutte contre ce fléau. La ratification de la Convention des Nations unies et l'adoption d'une loi nationale de prévention et de lutte contre la corruption ne sont pas à même de prémunir l'Algérie contre ce fléau. Selon l'invité de la Chaîne III, il y a un manque à gagner. DEPENDANCE DE LA JUSTICE La loi du 20 février 2006 de prévention et de lutte contre la corruption n'a pas, à ses yeux, réuni l'ensemble des éléments juridiques nécessaires pour combattre un tel fléau. « Elle ne garantit pas, par exemple, la protection des dénonciateurs qui sont nombreux et qui subissent des pressions et des menaces. Comme elle ne garantit pas non plus l'accès libre à l'information », indique-t-il, tout en évoquant les licenciements abusifs de certains « cadres intègres » pour avoir simplement dénoncé des situations de corruption. Il souligne au passage le cas des cadres de l'Agence nationale de navigation aérienne qui ont été licenciés pour avoir évoqué des transactions douteuses. « J'ai des dossiers complets sur cela et je demande au ministre des Transports de prendre au sérieux ce qui se passe dans cette agence », ajoute-t-il. M. Hadjadj relève aussi le problème de la dépendance de la justice et l'accès à l'information qui n'est pas garanti par la loi. Comme il met en exergue le manque de maîtrise de certains dossiers par les magistrats ainsi que le blocage de la Cour des comptes qui, souligne-t-il, peut pourtant constituer un maillon important dans le contrôle des marchés publics. Il estime que pour pouvoir combattre ce fléau, il faut d'abord que la justice algérienne acquière son indépendance et qu'elle utilise les instruments internationaux existants dans son combat contre la corruption. Mais également, il faut que les pouvoirs publics sortent de leur « vase clos » et ouvrent le débat à la société civile. Revenant sur le procès Khalifa qui se poursuit toujours au tribunal criminel de Blida, M. Hadjadj trouve qu'il y a beaucoup de « zones d'ombres » et regrette qu'une telle affaire soit traitée de « manière partiale ». « On a vu que certains hauts cadres impliqués dans cette affaire sont inculpés, d'autres ont été cités comme témoins et il n'y a pas que ça. Des documents importants ont disparu et le liquidateur semble avoir liquidé un peu trop… », observe-t-il. Cependant, pour M. Hadjadj, le fait que le procès soit ouvert constitue un élément important qui traduit la volonté politique au plus haut niveau de combattre ce fléau.