Pharmacien spécialiste en hydro-bromatologie, Nazim Baya, 34 ans, mène une bataille pour créer une section syndicale au sein du Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP), qui a pour mission le contrôle qualité des médicaments. Il y a occupé plusieurs fonctions depuis 2011 et a notamment été chargé de la communication. Mais il se trouve depuis peu montré du doigt et mis à l'écart à cause de sa volonté d'exercer son droit syndical. Malgré le respect de toutes les procédures en vigueur, la section syndicale peine à voir le jour, au mépris de la loi. Mais le jeune homme ne manque pas de détermination et trouve même le combat challengeant. Récit d'une lutte qui commence à peine. "Ça fait deux mois que nous attendons que la direction daigne fixer un jour pour la tenue de l'assemblée générale." Pharmacien spécialiste en hydro-bromatologie, Nazim Baya, 34 ans, mène une bataille pour créer une section syndicale au sein du Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP), où il travaille depuis 2011. "Nous attendons depuis 60 jours pour qu'une date soit fixée par la direction, alors qu'il en faut que 9 à Boeing pour construire un 737…", précise le jeune homme qui ne manque pas de recul et de détermination. "Je suis quelqu'un qui se lasse vite, mais jamais contre l'adversité. Se voir refuser un droit et se battre pour le recouvrer, je trouve ça enthousiasmant. C'est carrément challengeant." Malgré le respect de toutes les lois et procédures en vigueur, la section syndicale peine à voir le jour. Nazim Baya n'en est pas surpris. Et pour cause, il suit de près l'actualité nationale depuis des années et sait bien que les luttes syndicales peuvent être rudes, longues et ponctuées de décisions arbitraires, injustes, voire mêmes kafkaïenes. Fondateur du site d'information parodique "El Manchar", qu'il a créé en 2013, pour "rire de ceux qui nous empoisonnent la vie", il est habitué à tourner en dérision les situations les plus dramatiques qui font l'actualité. Raison pour laquelle il est loin d'être surpris aujourd'hui par cette entrave à son droit syndical. "Je ne suis pas surpris non, mais indigné. Parce que je ne me ferai jamais à l'idée qu'on puisse se jouer des lois de la République. La Constitution algérienne reconnaît dans son article 70 le droit syndical à tous les citoyens. Le statut général de la fonction publique le réaffirme dans son article 35. Je suis surpris, parce que je suis fonctionnaire, je travaille dans une entreprise publique." Rigoureux et procédurier, Nazim Baya ne veut "rien lâcher" des droits que lui garantit la loi. "On peut délibérément choisir de surseoir à la mise en œuvre d'un droit sans en perdre définitivement l'usage. Sur ce terrain, nous n'avons de compte à rendre à personne. Un droit est un droit, et il revient à celui qui en est doté de le faire valoir en temps venu." Mise à l'écart "On a constitué une majorité représentative au sens de la loi n°90-14 du 2 juin 1990 relative aux modalités d'exercice du droit syndical (c'est-à-dire plus de 20% des employés), on a déposé notre demande auprès de l'union syndicale de Ben Aknoun. L'union syndicale locale nous a délivré une lettre adressée au directeur général", explique-t-il. Dans cette lettre, l'UGTA demande formellement à la direction de fixer une date à la tenue de l'assemblée générale en vue de créer une section syndicale au sein l'entreprise. La lettre est restée lettre morte. "Après 8 jours, et conformément à la procédure, l'UGTA a envoyé une lettre de rappel que j'ai moi-même déposée au niveau de l'établissement. C'était le 25 novembre 2018." Depuis, l'attente se fait longue et est ponctuée de "pressions" : "D'emblée, j'étais identifié comme l'un des «meneurs». Parce que je ne me suis pas caché, j'ai assumé publiquement mon engagement en faveur de l'action syndicale." Nazim se retrouve aujourd'hui sans fonction dans l'organigramme de l'entreprise et est exclu "de toutes les réunions de travail", précise-t-il. Depuis qu'il a achevé son résidanat au CNMS (Centre national médico-sportif) et qu'il a intégré le LNCPP, il y a presque 8 ans, Nazim Baya y a pourtant occupé plusieurs fonctions. Il a notamment été chargé de la communication. "Mais depuis peu, je me roule les pouces", précise-t-il. "Je suis sans fonction en ce moment : conséquence directe de mon engagement dans la lutte syndicale", explique-t-il. Pour le jeune homme et les collègues qui l'accompagnent dans cette procédure, cette entrave à la liberté syndicale est signe de mépris. "La direction se mure dans un silence qui peut, à bon droit, être perçu par les employés comme du mépris. Et si ce n'est pas du mépris, en tout cas ça y ressemble à s'y méprendre. Mépris non seulement pour les employés, mais aussi des lois de la République", annonce-t-il sans manquer de préciser que "ce mépris" est loin d'être la seule atteinte dont ils sont victimes. Intimidation et mise à l'écart sont, semble-t-il, devenues leur lot quotidien. "Toutes ces pressions menées dans le but manifeste de nous décourager nous ont bien au contraire ravigotés." En rire pour ne pas désespérer "La section syndicale sera affiliée à l'UGTA dont les positions militantes ne sont pas particulièrement disruptives. C'est doula fi doula (l'Etat dans l'Etat) comme on dit. Ce n'est pas comme si nous allions instaurer le bolchévisme. Mais en même temps, tout cela s'inscrit dans une certaine idée de l'Algérie qu'ont certains de nos responsables et qui consiste à prendre des libertés vis-à-vis de la loi." Ces dernières semaines, le jeune pharmacien a eu de quoi perdre ce sens de l'humour qui lui vaut des centaines de clics à chaque publication sur El Manchar. Mais non. "Mon sens de l'humour reste intact, bien au contraire, il se nourrit de situations comme celles-ci, absurdes, ridicules et tragicomiques." Il pense d'ailleurs que le rire est salvateur. "Peut-on rire de soi ? Oui, certainement. Je pense qu'on devrait le faire pour ne pas tomber totalement dans le désespoir." En attendant la tenue d'une assemblée générale, Nazim et ses collègues ne s'empêchent d'ailleurs pas d'en rire, "dès que j'ai un moment de libre au boulot, c'est-à-dire tout le temps depuis que je suis sans fonction". F. B.