Sa disparition est à l'image de ce qu'il a été dans tous les postes qu'il a eu à occuper : discret, peu loquace et d'apparence réservé qui lui conférait un air de personnage sans attache politique. Mourad Medelci, décédé hier matin, à l'âge de 76 ans, a mené une longue carrière, à l'ombre du régime qu'il a servi avec loyauté, sans faire trop de bruit, ni de vagues. Licencié en sciences économiques de l'Université d'Alger, ce natif de Tlemcen, comme une bonne partie des ministres et autres walis promus sous le règne de Bouteflika, a longtemps dirigé des groupes publics, dont la SNTA en 1980, avant de devenir ministre du Commerce en 1988, poste qu'il quittera une année plus tard. Désigné ministre délégué au Budget (1991-1992), sous le gouvernement Ghozali, Mourad Medelci s'éclipse avant d'être rappelé à la faveur de l'arrivée au pouvoir de celui dont il deviendra un proche et fidèle serviteur jusqu'à son dernier souffle : Abdelaziz Bouteflika. Commence alors pour lui une carrière qui le propulsera à des postes stratégiques, dont certains de souveraineté. D'abord ministre du Commerce entre 1999 et 2001, il est nommé ensuite ministre des Finances (2001). Mais pas pour blanchir sous le harnais puisqu'une année plus tard, alors que l'affaire Khalifa venait d'éclater, il se retrouve conseiller à la présidence de la République, un poste qui sans doute lui a permis de se rapprocher davantage du chef de l'Etat. De nouveau nommé ministre des Finances, le défunt se voit confier à partir de 2007, dans la foulée de la mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, le poste prestigieux de chef de la diplomatie, poste qu'il occupera six ans durant sans discontinuité. Mais, c'est assurément sa nomination à la tête du Conseil constitutionnel, en 2013, alors que son pédigree ne le prédestinait pas, qui marquera sa carrière. Alors que les spéculations allaient bon train sur un improbable nouveau bail au président Bouteflika, après son AVC en 2013 qui a durablement affecté son élocution et sa mobilité, Mourad Medelci, sourd aux appels de l'opposition à l'application de l'article 88 (devenu après l'article 102 à la faveur de la révision constitutionnelle), qui stipule l'état d'empêchement, surprend tout le monde en validant la candidature de Bouteflika. Pourtant, quelques mois plus tôt, invité à émission du célèbre journaliste, "ami" de Bouteflika, Jean-Pierre Elkabbach, natif d'Oran, il n'hésitait pas à qualifier un éventuel "4e mandat de blague". "Bouteflika envisage-t-il une Présidence à vie ?", interroge le journaliste. "(…) Permettez-moi de dire que ça, c'est une blague, pour moi Algérien, pas ministre", répond Medelci. "Pensez-vous qu'un jour il passera la main ? Ce mandat va jusqu'à 2014, organisera-t-il la succession ? Partira-t-il ?", relance encore Elkabbach. "Lorsque le Président est arrivé en 2000, nous étions en train de vivre les dernières phases de la guerre civile. Son objectif premier, et je dirais le plus important, était de ramener la paix et la réconciliation nationale ; le deuxième objectif, c'est de remettre l'économie sur le chemin de la croissance. Je crois que ces objectifs sont atteints. Et le Président, quelle que soit la date de la fin de son mandat, aura fait son parcours. Il nous appartient maintenant à tous d'assurer". Tout le monde connaît la suite. Et les observateurs avisés relèveront a posteriori que son arrivée à la tête du Conseil constitutionnel participait précisément de ce "verrouillage" conçu et pensé par Bouteflika pour continuer à régner. Symbole, à bien des égards, du "bouteflikisme", pour avoir neutralisé l'institution d'arbitrage, Mourad Medelci part au moment où les regards étaient de nouveau braqués sur lui pour savoir s'il devait de nouveau une éventuelle candidature de Bouteflika, alors que l'état de santé de ce dernier s'est davantage détérioré. Karim Kebir