Elle a arrêté un artisan à Khenchela en possession de plus de 200 pièces de monnaie datant des époques punique et romaine, d'une valeur inestimable. La brigade de lutte contre le trafic des biens culturels et le vol d'objets d'art relevant du service de la répression du banditisme et du crime organisé de la Direction de la Police judiciaire (DPJ) vient de mettre la main sur un véritable trésor. Elle a arrêté lundi dernier à Khenchela un individu, en sa possession une quantité colossale de pièces archéologiques dont la valeur se chiffre en milliards de dinars. À titre d'illustration, il détenait dix pointes de flèches datant de la préhistoire (ère néolithique) et dont le montant par pièce est de 450 millions de centimes. C'est du moins ce qu'a révélé hier le commissaire principal Salah Daradji, chef adjoint du service de la répression du banditisme et du crime organisé au cours d'un point de presse tenu au siège de la DPJ. Il était accompagné de l'officier Moulay Achour, responsable de la brigade qui a élucidé cette vaste affaire de dilapidation du patrimoine culturel national. L'inculpé, un artisan de 34 ans, avait transformé son domicile en musée. La nature et la somme des objets trouvés en témoignent. Ainsi, il avait accumulé depuis deux ans pas moins de 201 pièces de monnaie romaine d'argent et de bronze, datant de l'empire de Constantin du IVe siècle. Originaires de la même ère, d'autres pièces (au nombre de deux pour chaque catégorie) avaient été émises sous les empereurs Valentin, Claudius et Arcadius. Certaines remontent aux époques punique et numide. Enfin, les plus récentes proviennent des périodes islamique et napoléonienne (27 pièces ainsi que des médailles). Le receleur, qui avait écumé plusieurs sites archéologiques dans les Aurès à l'instar de Timgad, a enrichi sa collection par l'acquisition d'autres objets d'une valeur inestimable. Outre les fléchettes, il avait subtilisé des balles de fronde en silex. Exposé à l'intention des journalistes, ce spicilège comprend également des fragments d'ustensiles comme les amphores, les jarres, une meule, un tuyau de canalisation en poterie et des lampes à huile datant de l'époque romaine. “Il concluait des petites affaires avec des gens”, a expliqué le commissaire principal. Sans doute l'un de ses sous-traitants trop cupide l'a-t-il dénoncé auprès de la police. Préférant attendre la fin de l'enquête, le commissaire Daradji s'est contenté de divulger un minimum d'éléments. Il soutiendra, notamment que ses services ont exploité des informations qui leur sont parvenues, il y a deux mois. “Nous avons été mis au courant des agissements d'une personne qui commercialise illégalement des pièces appartenant au patrimoine protégé”, a-t-il souligné. C'est en conformité avec la loi 98-04 du 15 juin 1998 que la brigade de lutte contre ce genre de trafic a procédé à l'interpellation de l'artisan de Khenchela. Celui-ci comptait écouler sa marchandise dans le marché international via internet en s'inscrivant sur un site de vente d'objets d'art. Les principaux chefs d'inculpation retenus contre lui concernent la détention, la non-déclaration et la commercialisation illégale de pièces archéologiques. Les ramifications de l'enquête montreront s'il agissait seul ou pas. A priori, le trafiquant n'est pas à la tête d'un réseau. Cependant, la facilité avec laquelle il a opéré renseigne sur l'ampleur du trafic à l'échelle nationale. Selon l'officier Moulay Achour, l'aménagement des sites archéologiques en espaces ouverts ainsi que l'absence des moyens de surveillance mis à la disposition des directions de la culture encouragent les voleurs. L'absence auparavant de l'implication des services de sécurité les stimulait également. Dans le sud du pays, les parcs du Tassili et du Hoggar sont livrés à la rapine de touristes étrangers versés dans la contrebande. L'hiver dernier, un groupe de randonneurs européens était arrêté à Djanet par la gendarmerie. Dans leurs bagages, des richesses préhistoriques. Cette affaire, qui avait fait grand bruit, exigeait des autorités une prise de conscience rapide. Au sein de la police, l'éveil s'est produit en mai dernier avec la redynamisation de la brigade de lutte contre le trafic des biens du patrimoine. Dépendant depuis sa création en 1996 de la sous-direction des affaires économiques et commerciales de la DPJ, elle a été rattachée au service opérationnel de la lutte contre le banditisme. Aidés de techniciens et d'archéologues, ses enquêteurs peuvent se déployer dans toute l'Algérie. Des investigations sont actuellement menées sur des affaires ayant lieu dans d'autres wilayas que Khenchela. Pour ce qui est de cette dernière, il est à noter que les objets qui y ont été récupérés seront remis au musée du Bardo à Alger. Samia LOKMANE