Acculé par l'opposition et les manifestants, le président soudanais s'accroche au pouvoir et prend des mesures superficielles qui sont loin de calmer la colère populaire au Soudan. Le président soudanais Omar al-Bachir a décrété vendredi soir l'état d'urgence d'une durée d'un an et limogé dans la foulée le gouvernement. "Je décrète l'état d'urgence dans tout le pays pour un an", a-t-il déclaré dans un discours télévisé à la nation, tout en soulignant : "J'annonce la dissolution du gouvernement aux niveaux fédéral et provincial." Mais ces décisions sont loin de calmer la colère populaire et l'opposition qui réclament son départ du pouvoir. "Notre pays traverse une situation difficile et compliquée, la plus difficile de son histoire", avait souligné le chef de l'Etat soudanais M. al-Bachir, qui a estimé que "les problèmes économiques doivent être traités par des gens qualifiés, et à cette fin je formerai un gouvernement composé de personnes aux qualités". Quelques heures plus tard, Omar al-Bachir a précisé que cinq ministres du gouvernement sortant, dont ceux des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice, conserveront leur portefeuille, en annonçant au passage avoir nommé à la tête des 18 régions du pays 16 officiers de l'armée et deux responsables de la sécurité. Ces décisions ont été rejetées par l'Association des professionnels soudanais (APS), que d'aucuns considèrent comme le fer de lance du mouvement de contestation, en indiquant qu'elle continuerait à appeler à manifester jusqu'à ce que Omar al-Bachir, au pouvoir depuis presque 30 ans, démissionne. "Nous appelons notre peuple à continuer les manifestations jusqu'à ce que l'objectif principal de ce soulèvement, qui est le départ du chef du régime, soit atteint", a-t-elle indiqué dans un communiqué rendu public après le discours du président. L'APS a appelé les manifestants à se diriger vers le palais pour remettre à la présidence une lettre réclamant la démission du président. D'ailleurs, les manifestations se sont poursuivies tard dans la nuit de vendredi à hier dans plusieurs villes du Soudan en dépit de la répression des forces de sécurité. Par ailleurs, le principal parti d'opposition au Soudan, Al-Oumma, a rejeté hier la décision du président Omar al-Bachir de décréter l'état d'urgence dans l'ensemble du pays, assurant également que les manifestations se poursuivront. Selon les médias soudanais, le responsable de cette formation politique, l'ancien Premier ministre Sadek al-Mahdi, a signé en soutien aux manifestants un "Document pour la liberté et le changement" avec le Parti communiste soudanais et plusieurs branches politiques. Rappelons que le Soudan, qui fait face à une grave crise économique ces dernières années, est le théâtre depuis le 19 décembre 2018 de manifestations quotidiennes à la suite de la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, qui se sont transformées en un mouvement réclamant la chute du président al-Bachir, à la tête du pays depuis 1989.