Des rassemblements hebdomadaires seront organisés dès dimanche prochain pour marquer l'appui de l'immigration algérienne en France aux manifestations en cours en Algérie. La place de la République, à Paris, a encore vibré, hier après-midi, sous les clameurs d'une foule compacte, venue de toute l'île de France, pour s'opposer au cinquième mandat du président Bouteflika et réclamer le démantèlement du système politique actuel. Comme dimanche dernier, des milliers de compatriotes (15 000 selon les organisateurs) ont tenu à faire entendre leur voix. Des scènes d'exaltation ont ponctué le rassemblement organisé à l'appel du mouvement Mouwatana. Plusieurs manifestants drapés de l'emblème national, se sont hissés sur la statue qui surplombe la place pour scander des slogans hostiles au pouvoir. Ils ont revisité les chants entendus ces derniers jours dans les rues de plusieurs villes du pays et d'autres plus anciens, composés lors des différents épisodes de révolte qu'a connue l'Algérie ces dernières décennies. "C'est la première fois depuis les émeutes de Kabylie en 2001 que je sors manifester", révèle Madjid, un jeune étudiant originaire de Tizi Ouzou qui a tenu avec des amis à marquer sa présence à République. Le petit groupe très ému a repris le vieux slogan : "Ulach smah ulach". Il a ensuite chanté "Ya biladi, ya biladi" avant de crier avec d'autres qu'il "en a marre de ce pouvoir". Les slogans qui ont fusé étaient accompagnés de youyous. Des femmes de tous âges, très nombreuses, ont pris part au rassemblement. Il y avait aussi des enfants, avec des casquettes aux couleurs nationales vissées sur la tête et le drapeau enveloppant leurs petites épaules. Hamid et son épouse ont ramené leurs trois petites filles. "Elles sont nées ici, mais elles sont également Algériennes. De leur mobilisation aussi dépendra l'avenir de l'Algérie", explique notre interlocuteur, prêt à battre le pavé mille fois s'il le faut, pour que l'Algérie ne sombre pas. Cette peur du chaos se lisait sur nombre de visages. Elle s'entendait aussi dans des complaintes que certains faisaient face à l'écran de leurs téléphones, en enregistrant des vidéos de la manifestation. Il y avait spécialement cet homme qui, ignorant la foule et ses clameurs, s'est mis à discourir, à "vomir" sa haine du pouvoir et "des prédateurs qui ont mis le pays à sac et l'ont ruiné". "Le monde vous jugera. Un jour, vous serez jetés à la poubelle de l'histoire", déclamait-il avec flamme devant la bouche de métro d'où sortaient les manifestants. Le rassemblement qui a débuté à 14 heures n'a pas cessé de grossir tout au long de l'après-midi. Un dispositif de sécurité très discret a été déployé par la préfecture de police de Paris, autour de la place de la République. Des journalistes des médias français sont également venus aux nouvelles, mais il était très difficile de se frayer un chemin au milieu de la foule. Le chapiteau érigé par Mouwatana au pied de la statue, a été pris d'assaut. Des jeunes se disputaient le micro de la sono pour haranguer les gens. Zoheir Rouis, coordonnateur du mouvement en France et président de Jil Jadid-Europe, a eu du mal à se faire entendre. Dans une déclaration remise à la presse, il a exprimé sa fierté de voir tant de compatriotes manifester. Il a aussi remercié une quinzaine d'associations et de collectifs de l'émigration qui ont soutenu l'appel au rassemblement de Mouwatana. "Nous partageons le même amour pour notre pays. Nous tous avons la même crainte et nous savons d'où vient la menace", a-t-il souligné, vilipendant un régime qu'il a décrit comme corrompu, incompétent, autoritariste et humiliant. L'ancien ministre Ali Bounouari, également présent au rassemblement, considère que "le mur de la peur est tombé". "Les Algériens ne veulent plus subir et se taire", a-t-il fait savoir, annonçant que Mouwatana va continuer à appeler à des rassemblements chaque dimanche, à Paris, pour forcer la rupture avec le système politique actuel et contribuer au changement. Omar Tibouritine, ancien président du RCD-France, estime, en effet, que la renonciation du Président actuel à un 5e mandat n'est pas une fin en soi. "Il faut rester vigilant et continuer à lutter pour une véritable transition", a-t-il-expliqué. Au cours du rassemblement, il a rejoué son rôle de militant politique en distribuant des flyers, en forme d'appels à ne pas baisser la garde. S. L.-K.