Acculé et à court d'arguments, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, n'a rien trouvé de mieux pour justifier le blocage arbitraire des projets de Cevital, que de renvoyer la balle à l'administration, dont il est pourtant le premier responsable. Interpellé avant-hier à l'APN sur l'attitude discriminatoire observée, depuis plus de deux ans, à l'égard de l'homme d'affaires algérien, Issad Rebrab, Ahmed Ouyahia s'est comme tiré une balle dans le pied en invoquant un problème relevant strictement de l'administration. Celle en l'occurrence dont il est lui-même comptable en sa qualité de chef de l'Exécutif. Sitôt rendu public, ce discours incongru a d'ailleurs été vite battu en brèche par Issad Rebrab lui-même, en twittant deux heures plus tard : "M. le PM, vous estimez que le blocage de Cevital à Béjaïa, que vous aviez vous-même qualifié d'inadmissible, est un malentendu administratif. Ne pensez-vous pas qu'il a suffisamment duré (+ de 2 ans) ? Quand comptez-vous le régler ? Et les autres malentendus Brandt & EvCon ?" Ainsi formulée, la réponse du patron de la première entreprise algérienne exportatrice en hors hydrocarbures met d'autant plus le Premier ministre devant ses contradictions, que ce dernier avait cru pertinent de fustiger auparavant le recours de Cevital, en dernier ressort, à des marches de protestation pacifiques. "Cevital active depuis 1998 dans l'agroalimentaire, l'électroménager, la construction, l'industrie du verre, les réseaux de distribution… A-t-elle été un jour bloquée ?", s'était, en effet, enfoncé le Premier ministre dans sa fuite en avant, lors de son passage à l'APN, ajoutant que "quand il y a un problème administratif, il se règle au niveau de l'administration et non en le politisant et en manifestant". Inconséquent avec lui-même et envers l'opinion publique, Ouyahia aurait pourtant été mieux avisé de tenir acte du message adressé la veille par le groupe Cevital aux décideurs du pays, les incitant à mettre un terme au blocage injustifié de son projet d'usine de trituration à Béjaïa. À travers un communiqué largement répercuté par les médias nationaux, le groupe dirigé par Issad Rebrab avait, en effet, interpellé publiquement le gouvernement sur "l'acte de sabotage caractérisé de l'économie de notre pays" que constitue en vérité "le blocage du projet de trituration de Cevital depuis déjà plus de 700 jours". En cette période électorale, est-il ainsi écrit à l'adresse des dirigeants, "vous multipliez les déclarations appelant, au nom d'une certaine continuité, à la nécessité de développer et de diversifier notre économie". Or, ajoute le même communiqué, "jusqu'à présent, il a été plutôt question de blocages et d'entraves à cette diversification". Et d'interroger en ce sens : "Qu'attendez-vous donc pour libérer ce projet, censé créer plus de 100 000 emplois directs et indirects, en plus de faire passer l'Algérie d'importateur à exportateur d'huiles brutes et de tourteaux de soja, qui coûtent à notre pays 1,5 milliard de dollars par an ?" Se référant à la logique de "continuité" prônée par le pouvoir, Cevital s'interroge enfin sur les vrais enjeux de cette démarche, au moment où la défiance populaire à l'égard des dirigeants prend une ampleur historique. "Est-ce la continuité dans le sabotage de notre pays au profit d'une poignée d'individus prêts à sacrifier l'avenir de nos enfants pour sauvegarder des intérêts particuliers mal acquis ?", alerte ainsi le communiqué de Cevital. Akli Rezouali