La présence en Suisse d'Abdelaziz Bouteflika, au moment même du dépôt de sa candidature au Conseil constitutionnel, suscite une vive polémique aussi bien sur le timing que sur la durée de son séjour à Genève. Sa lettre aux Algériens, plus que jamais intraitables sur la question de son départ, n'a fait que confirmer l'entêtement de tout un régime qui semble décidé à se perpétuer malgré le tollé provoqué par la candidature de Bouteflika. Le scrutin s'annonce décisif pour l'avenir du régime politique actuel, mais aussi pour toutes ces figures qui l'ont incarné depuis une vingtaine d'années, dont Abdelaziz Bouteflika et toutes les personnes qui gravitent autour de lui. Dans sa lettre aux Algériens, lue par son directeur de campagne, Abdelghani Zaâlane, le Président sortant réclame un sursis d'une année, le temps de pouvoir organiser sa propre succession. Un texte vide, tant il est vrai qu'aucune réponse sérieuse n'est formulée à l'adresse d'une rue qui bouillonne, mais qui se veut une quête d'une porte de sortie pour un régime aux abois et à court de solutions. Ce serait aussi une tentative de gagner du temps, pariant sur l'essoufflement du mouvement de contestation, ce qui permettrait à l'entourage du Président de préparer la succession à huis clos, conformément aux usages. Quoi qu'il en soit, le candidat à sa propre succession a marqué la conjoncture par son absence, aussi bien dans la gestion des événements actuels, que dans l'organisation de son administration de campagne. Sa présence, actuellement en Suisse, alors que le pays chavire et tangue dangereusement, prétextant le besoin d'effectuer des examens médicaux, s'apparente à un délit de fuite. Autrement, il s'agirait d'un séjour médical de longue durée exigé par son état de santé qui se serait détérioré depuis peu. Auquel cas, sa candidature ne peut être valide. Auquel cas aussi, des décisions se prennent en son nom et des lettres et des messages lui sont attribués. C'est là le piège d'un message à double tranchant. Le Président, qui s'adressait pourtant à une foule survoltée, ne se contentant plus des "mesurettes" qui ne sont guère à la hauteur des défis auxquels est confronté le pays, n'a fait qu'enfoncer le clou et creuser davantage le fossé qui séparait le gouverné du gouvernant. Que dit-il dans son message de candidat ? Rien. Ou presque. Qu'il souhaite briguer un 5e mandat qu'il envisage d'écourter ensuite, le temps que le clan puisse trouver un successeur idéal. Quant aux réformes par lesquelles il tentait d'assaisonner son message aux fins de tranquilliser les foules, cela s'apparente à un exercice dont les résultats sont connus d'avance. Il serait plutôt improbable que ces réformes puissent se réaliser en une année, alors qu'elles n'ont jamais pu figurer dans l'agenda du gouvernement, du temps même où les chocs externes exigeaient le minimum de rigueur budgétaire. Une fuite en avant. Voire une panique qui fait trembler un régime qui lutte pour sa survie face à une marée qui n'a jamais été aussi menaçante. Face à la contestation grandissante du peuple, l'équation politique se complexifie davantage pour le régime et ne fait que renforcer les protestataires dans leur quête d'un idéal démocratique. Les partisans de ce 5e mandat décrié n'ont plus aucun argument valable à faire valoir en l'absence de leur chef, voire d'une alternative consensuelle capable de leur garantir une issue sans encombre. D'où le silence assourdissant de ceux qui ont promu et défendu à cor et à cri le choix du 5e mandat, faisant fi des aspirations de tout un peuple qui n'a jamais été aussi décidé à faire valoir sa voix. Le terrain est hautement miné pour les partisans du 5e mandat qui, à défaut de pouvoir rebondir, en l'absence de signaux rassurants provenant de la capitale suisse, se cachent derrière les vieux slogans de stabilité et de continuité. Qu'il est loin le temps où les responsables du FLN, du RND, du MPA et de TAJ criaient à qui voulait les entendre la puissance du régime qu'ils incarnaient autour d'Abdelaziz Bouteflika.