Face à la rue qui gronde, le chef d'état-major de l'Armée change de ton. En déplacement, hier, à l'Ecole de préparation des ingénieurs, à Rouiba, Ahmed Gaïd Salah a fait l'éloge du peuple et affiche une attitude qui confine plus à la neutralité qu'à la défense du régime. Après avoir qualifié les manifestants "d'égarés" lors d'un message prononcé à Tamanrasset juste après les manifestations du 22 février, le chef d'état-major de l'ANP évoque, désormais, "une chance" d'avoir un peuple comme celui que possède l'Algérie. "Le peuple a su et sait comment sauvegarder sa patrie. Il n'y a aucun doute que l'Algérie est fière de son peuple et l'armée aussi", a, ainsi, indiqué le vice-ministre de la Défense nationale. Plus que cela, Ahmed Gaïd Salah fait écho au mouvement que connaît le pays actuellement. "L'Armée nationale populaire (…) s'enorgueillit de son appartenance à ce peuple brave et authentique, et partage avec lui les mêmes valeurs et principes, ainsi que les mêmes fondements nobles et prestigieux de l'identité nationale, et a l'intime conviction, et avec grande fierté, qu'un peuple avec ces valeurs et ces qualités ne peut que donner naissance à une armée ayant les mêmes principes et les mêmes spécificités. C'est ainsi que se rejoignent toutes les marques d'amour, de respect, de sympathie et de solidarité entre le peuple et son armée, ainsi que tous les fondements d'une vision unique du futur de l'Algérie", indique le chef de l'armée qui, pour une fois, ne fait pas l'éloge d'Abdelaziz Bouteflika. Le discours de Gaïd Salah fait écho à l'éditorial du dernier numéro de la revue El Djeïch. "Les acquis réalisés par notre armée dans nombre de domaines, et sa présence inconditionnelle aux côtés de sa nation dans toutes les épreuves endurées par le pays, démontrent l'attachement du peuple à son armée, leur cohésion, leur destin commun, l'unité de leur vision de l'avenir, parce que tous les deux appartiennent à une seule patrie, une patrie pour laquelle nos forces armées ont fait le serment de préserver, de défendre contre toutes velléités", note l'éditorial du mensuel de l'ANP, perçu comme le porte-parole de l'institution militaire. Le discours tranche avec le ton menaçant adopté par Ahmed Gaïd Salah lors de ses premières sorties qui ont suivi les manifestations de rue. Après avoir évoqué des "égarés" — terme qui renvoie aux terroristes, avant que la formule ne soit retirée du discours distribué à la presse —, le chef de l'Etat a également brandi la menace du chaos et promis de sécuriser l'élection présidentielle, clairement rejetée par la rue. Le chef de l'armée avait mis en garde contre des risques d'intrusion de forces qui souhaitaient stabiliser le pays. Il avait pris le parti de ceux qui ont invoqué le risque de voir le scénario syrien, pour dissuader les Algériens de sortir dans les rues. Ali Boukhlef