Un comité mixte d'experts sera mis en place prochainement pour définir les clauses de cet accord. Sans conteste, les attentats de Londres ont joué un rôle de détonateur sur les autorités britanniques. Réputé pour être la Mecque des islamistes et leur refuge, le Royaume-Uni entend s'en débarrasser désormais. La tournée ces jours-ci au Maghreb, de Kim Howells, ministre délégué aux Affaires étrangères, chargé de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient s'inscrit en grande partie dans cet objectif. Restée pendant très longtemps sourde aux demandes d'extradition de pays qui comme l'Algérie ont été frappés de plein fouet par le terrorisme, Londres est à présent disponible à répondre à leurs requêtes. C'est du moins la résolution exprimée, hier, à Alger par l'émissaire du Foreign Office. Celui-ci était porteur d'un message clair. Le gouvernement Blair est finalement décidé à signer une convention d'extradition avec l'Etat algérien. À cet égard, son représentant a eu à discuter avec ses hôtes des modalités prévalant à la concrétisation rapide d'un tel accord. Les deux parties se sont ainsi entendues sur la mise en place dans les prochains jours d'un comité mixte d'experts juridiques ayant pour tâche de convenir des termes de la convention. Ces techniciens ont également le rôle de préparer deux autres protocoles d'accord portant sur une double entraide pénale et civile. Derrière l'apparente rigueur procédurière se profile le souci des autorités britanniques à ce que la convention d'extradition, tout particulièrement, tienne compte de leurs propres exigences en matière de droit. M. Howells l'a explicité lors de sa rencontre avec les journalistes, en fin d'après-midi à la résidence El-Mitaq. “Nous comprenons que ce sont des individus dangereux que le gouvernement algérien voudrait récupérer à cause des crimes qu'ils ont commis. Cependant, nous devons convaincre nos tribunaux et notre presse que si nous renvoyons ces personnes dans leur pays, nous devons être sûrs qu'elles ne seront pas spoliées de leurs droits ou torturées”, a-t-il soutenu. Répondant à ses inquiétudes, Abdelkader Messahel, qui était présent à la conférence de presse, s'est livré à des mises au point polies. “L'Algérie est signataire de toutes les conventions internationales — de défense des droits de l'Homme, ndlr”, a rétorqué notre ministre délégué aux Affaires maghrébines et africaines. À chaque fois que son homologue invoquait l'argument “humaniste”, il se faisait un devoir de corriger sa perception de la justice algérienne et par la même occasion l'opinion de son gouvernement des terroristes du GIA ainsi que des prédicateurs de l'ex-FIS, abrités en Grande-Bretagne et qualifiés auparavant par les services de Sa Majesté d'opposants persécutés. “Nous avons transmis un certain nombre de dossiers à la justice britannique sur les activités reconnues d'individus impliqués en Algérie. Nos rapports sont fondés sur les lois internationales, les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et notre volonté de lutte commune de lutte contre le terrorisme”, a dû rectifier M. Messahel. À force de persuasion, le ministre de Tony Blair a admis que son état “fait de plus en plus confiance à l'Algérie et au respect par celle-ci des conventions des droits de l'Homme”. Se faisant l'écho de la fidélité de son pays à sa réputation de patrie de la liberté et de la démocratie, M. Howells a indiqué qu' “on ne peut pas mettre des gens en prison pour leurs idées et les renvoyer chez eux sans l'autorisation de la justice”. Cependant, il défend Londres de soutenir le terrorisme car dit-il “comme l'Algérie, le Royaume-Uni a souffert pendant longtemps de la violence de l'IRA (Armée républicaine irlandaise). Aujourd'hui qu'il est directement touché par la violence islamiste, il trouve en l'Algérie un partenaire de choix”. “Sur cette question, nous avons convenu de densifier notre coopération en tant que partenaires dans un cadre international structuré”, a plaidé le ministre britannique et de renchérir : “Mon gouvernement voudrait asseoir une relation plus étroite.” Du côté algérien, la contrepartie exigée ne réside pas dans la livraison des terroristes résidant au Royaume-Uni uniquement, mais de l'ex-milliardaire algérien Rafik Khalifa porteur de l'empire financier du même nom. S'accrochant à l'explication juridique, M. Howells a affirmé que pour ce cas aussi “il faut convaincre les tribunaux britanniques”. “Je comprends le souci du peuple algérien, mais nous devons garantir la conformité des preuves (soit les chefs d'inculpation retenus contre l'ancien golden boy) avec ce qui est requis par la justice britannique. En tant que politiciens, nous ne pouvons pas ordonner aux tribunaux d'expulser tel ou tel individu”, a-t-il justifié. Selon lui, le comité d'experts qui aura à négocier la convention d'extradition, “va compiler — les fameuses — preuves”. Enfin, en réponse à une question sur le sort de l'ambassade de son pays à Alger, le haut responsable du Foreign Office a révélé que la chancellerie est à la recherche d'un local sécurisé. Il est à noter que M. Howells a été reçu durant son séjour par le président de l'APN, Amar Saïdani ainsi que les ministres de l'Industrie et de la Participation. Samia LOKMANE