Toujours en garde à vue après avoir été intercepté, tôt dans la matinée de dimanche, par les services de sécurité au poste frontalier d'Oum Tboul, Ali Haddad était encore à El-Kala, hier, où il n'a été présenté devant le procureur de la République, près le tribunal de cette ville, qu'en début d'après-midi. Une audition plutôt rapide, qui a débuté à 14h10 pour s'achever un quart d'heure plus tard, avant que le magistrat ne décide d'ordonner le transfert manu militari du puissant homme d'affaires vers Alger, pour y être entendu de nouveau par le parquet de Sidi M'hamed, mais pour d'autres affaires le concernant, apprendra-t-on. Tout comme on saura, sous le sceau de la confidence, que le procureur d'El-Kala, Yazid Habbab, n'a retenu que la charge d'infraction au code des changes, le prévenu ayant été arrêté en possession de 4 500 euros et de 100 dollars américains en plus de la somme de 410 000 dinars algériens, qu'il n'avait pas déclarés aux douaniers. En revanche, on ne sait pas ce que le magistrat a retenu contre Ali Haddad quand à la tentative de sortie du territoire national, des deux passeports et des deux permis de conduire qu'il avait sur lui, à ce moment, comme en atteste un des éléments de la police des frontières, de service cette fameuse nuit du samedi à dimanche. Ce policier est formel quand il explique que ses collègues et lui-même n'avaient aucune raison de s'opposer au passage de l'oligarque vers la Tunisie. "Nous avons traité ce passager et son compagnon (le chauffeur d'Ali Haddad, ndlr) comme tous les autres usagers du poste. N'ayant pas été destinataire de l'ISTN dont tout le monde parle aujourd'hui, nous avons tout normalement apposé le cachet de sortie sur les documents de voyage des deux passagers et ce n'est qu'après que les douaniers eurent donné l'alerte que le branle-bas a commencé, avec la fouille du véhicule à bord duquel ils se trouvaient, à 3h30 du matin, précisément", rapporte cet agent de la PAF qui a requis l'anonymat. Il y a lieu d'indiquer qu'Ali Haddad a passé la nuit de dimanche à lundi sous bonne garde dans les geôles de la sûreté de daïra de la petite ville côtière. Cela alors que tout le monde croyait qu'il avait été transféré vers la capitale, Alger, le jour même. En fait, a-t-on appris plus tard, les éléments de la Gendarmerie nationale avaient convenu, avec leurs collègues de la Sûreté nationale et ceux du CTRI, de faire semblant d'évacuer le prisonnier afin de le soustraire à la colère de la foule qui avait pris d'assaut le siège du tribunal. Une initiative qui s'est avérée judicieuse puisque les manifestants se sont dispersés dès que les véhicules des éléments de sécurité ont quitté les lieux. Seuls quelques journalistes, informés de la présentation imminente mais néanmoins discrète d'Ali Haddad devant le magistrat du parquet, étaient présents devant le tribunal, hier, jusqu'à ce que le mis en cause arrive menotté et encadré par une escouade d'hommes en tenue. Mais c'était sans compter sur le bouche à oreille, car quelques minutes seulement après qu'Ali Haddad a été introduit dans le tribunal, des dizaines de citoyens ont accouru et ont commencé à scander des slogans hostiles à l'oligarchie, aux opérateurs véreux et au système tout entier qualifié de corrompu et d'ennemi du peuple. La tension devait monter d'un cran, mettant en alerte les éléments des services de sécurité, quand l'homme d'affaires, celui qu'on croyait intouchable de par sa proximité avec la famille du Président, a été embarqué dans un véhicule qui a pris la route en direction d'Annaba. A. Allia