Après avoir porté activement la cause de l'Indépendance de l'Algérie dans leur chair et sur leur propre territoire, les voici de “retour” dans leur pays d'adoption pour d'émouvantes retrouvailles. Nous les avons rencontrés, avant-hier soir, à l'hôtel El-Djazaïr. Ils s'appellent Nils, Nicole, Anne, Adolfo et Jean-Claude. Ils sont depuis le 13 juillet dernier à Alger et ils nous quittent déjà puisqu'ils retournent aujourd'hui même en France. Nils Andersson est éditeur. Installé en Suisse (Lausanne) pendant la guerre d'Algérie, il a mené une âpre bataille éditoriale pour la dénonciation de l'entreprise coloniale en Algérie. Nicole Rein est avocate et faisait partie du collectif des avocats du FLN. D'ailleurs, elle a pris part à ce titre au fameux procès du réseau Jeanson (septembre 1960), procès fort retentissant où avaient comparu dix-huit Français et six Algériens pour “atteinte à la sûreté de l'Etat”. Anne Preiss, quant à elle, était militante au sein de la Fédération de France du FLN. Elle a activé entre Marseille, Lyon et Saint-Etienne où elle collectait des fonds pour le FLN. Adolfo Kaminsky, lui, était trafiquant de papiers, “métier” qu'il avait pratiqué pendant la Seconde Guerre mondiale pour sauver les enfants juifs des griffes de la Gestapo, dira-t-il. Enfin, Jean-Claude Paupert était agent de liaison dans le réseau Jeanson. C'était, pour ainsi dire, un passeur. Il assurait le déplacement des hommes du FLN et leur soutien entre la France et la Suisse. Jean-Claude Paupert était dans le box des accusés lors du procès Jeanson. Il s'agit donc d'un voyage monté par la Radio algérienne en collaboration avec le ministère des Moudjahidine. C'est ce que nous a indiqué M. Kader Boukenna, animateur à la Chaîne III et concepteur du projet. “J'anime depuis janvier 2005 une émission qui a pour titre : Mémoires d'une Révolution”. Le concept de l'émission est de faire parler tous ces militants qui ont porté la Révolution sur le terrain français, tous ces Français qui ont pris fait et cause pour l'Algérie. C'est ainsi que j'ai fait témoigner ceux qu'on appelait les “Porteurs de valises”, et qui sont considérés comme “harkis” sur l'autre rive, explique Kader Boukenna, avant d'ajouter : “Pour la dernière émission de la saison, nous avons souhaité lui donner un cachet particulier en organisant ce voyage. Le DG de la radio, M. Zouaoui Benamadi, qui est un homme extraordinaire, a tout de suite dit oui et le projet a pu se réaliser, avec le concours du ministère des Moudjahidine.” Farid Toualbi, directeur des relations publiques et de la coopération à la Radio algérienne qui s'est joint à nous, s'est chargé de concocter le programme de cette délégation, en tenant compte dans une large mesure des désirs de ses hôtes. Ces derniers, est-il utile de le souligner, ont eu des entretiens, au cours de leur séjour, avec MM. Ali Haroun, Bachir Boumaza et Réda Malek. Ils ont rencontré également Mme Bitat. “Demain (mardi, ndlr), une cérémonie officielle sera organisée en leur honneur par le ministère des Moudjahidine”, dit M. Boukenna. Un hommage que “leur” pays, l'Algérie, leur doit bien. Des médailles devaient leur être décernées au cours de cette cérémonie. Emus ? Ils le sont tous, peu ou prou. “Il fait chaud, mais Alger me paraît calme”, dira Me Nicole Rein. L'ancienne avocate du FLN a une pensée particulière, à cette occasion, pour Me Mourad Oussedik, éminent avocat décédé le 14 juin dernier à Paris, à l'âge de 79 ans. Me Oussedik faisait partie, rappelle-t-on, du collectif des avocats du FLN à Paris, aux côtés de Jacques Vergès, Roland Dumas, Amokrane Ould Aoudia (assassiné en 1959 dans son cabinet), Abdessamad Ben Abdallah et autre Gisèle Halimi. Pour sa part, Jean-Claude Paupert avait passé toute la journée de ce lundi à Theniet El-Had, dans la wilaya de Tissemsilt, une ville dont il garde de doux souvenirs de jeunesse. Il en est revenu tout enchanté, les yeux pétillants, en exhibant joyeusement une médaille dont l'a décoré le maire de la ville. Anne Preiss, tout en étant ravie par ce voyage, regrette que Mohamed Benchicou soit en prison, elle, la militante infatigable, grande amie de Kateb Yacine. Inévitablement, nos discussions nous menèrent vers cette loi “scélérate” du 23 février 2005, loi que nos amis condamneront à l'unisson avec la plus grande vigueur. “C'est une loi révisionniste. Il faut l'abroger. C'est trop grave, c'est extrêmement grave ! Entre Le Pen, Sarkozy, Mégret, où est-ce qu'on va comme ça ? Ce n'est pas possible !” s'indigne Anne Preiss. De son côté, Nils Andersson considère que cette loi n'est pas un recul de la France mais “l'expression d'un état d'esprit qui subsiste toujours. Cette loi trahit des relents de colonialisme qui ne sont pas extirpés d'une partie de l'opinion et de la société françaises”, estime l'éditeur. Des femmes et des hommes d'une grandeur d'âme et d'un courage exceptionnels. Un courage qui n'a d'égal que leur humilité. Avec une très grande disponibilité, ils nous ont honorés de leur compagnie trois heures durant. Véritables documents vivants, le lecteur pourra apprécier leurs précieux témoignages dans nos toutes prochaines éditions. Mustapha Benfodil