L'Egypte ne sait plus à quel «Pharaon » se vouer depuis la signature le 14 mai dernier à Entebbe, en Ouganda, d'un accord sur l'utilisation des eaux du fleuve (barrages, irrigation, pompage etc.), régie par un traité remontant à 1929 signé entre le Caire et Londres, par cinq pays du bassin du fleuve (Ethiopie, Kenya, Rwanda, Ouganda et Tanzanie). Les ballets diplomatiques qu'elle a engagés ne semblent pas porter leurs fruits. Notamment vis-à-vis de la République du Congo et du Burundi, qui n'ont pas encore ratifié l'accord. Précision de taille : une seule signature de ces deux pays permettra à cet accord d'entrer en vigueur. Après les visites de Omar Soliman, chef des services de renseignement, en Ouganda, Youssef Boutros-Ghali, ministre des Finances, au Burundi, Mohamed Nasr El-Deen Allam le ministre des Ressources hydrauliques, au Burundi, en Tanzanie, au Kenya, au Rwanda et au Soudan, c'est au tour hier d'Ahmed Aboul Gheit, le chef de la diplomatie égyptienne, de se rendre en Ethiopie pour discuter «des derniers développements dans le dossier des eaux du Nil» et proposer à leurs interlocuteurs, des projets de coopération s'ils acceptent de revenir sur cet accord qui donne des insomnies au Caire. L'Egypte refuse globalement et dans le détail toute remise en cause de ses « droits historiques » sur les eaux du Nil. Deux traités rédigés en 1929 et en 1959 déterminent le partage. Ils accordent à l'Egypte la part du lion (55,5 milliards de mètres cubes. Le Soudan bénéficie d'un quota annuel de 18,5 milliards de mètres cubes. Mieux, ils stipulent aucun grand projet d'eau, tel que les barrages ou les travaux d'irrigation, ne peut être entrepris dans les pays en amont sans l'autorisation expresse de l'Egypte et du Soudan. Fort de ses “droits”, Le Caire refuse de lâcher prise. Elle compte poursuivre le dialogue jusqu'à la dernière minute. Même si les désaccords persistent. «L'Egypte dispose de certains moyens pour adopter une réaction forte à toute position qui menace son droit historique à l'eau du Nil » prévient le Caire qui broie du noir à la lecture de ce nouvel accord qui ne fait mention ni de sa part historique de l'eau du Nil, ni de son droit de veto sur les projets d'eau en amont. Les pays en amont qui refusent de se retirer du traité, font valoir leurs besoins croissants en eau pour leur population et leur développement. Certains accusent l'Egypte d'avoir négligé leurs demandes pour un accord plus équitable de partage des eaux du Nil. D'autres de manœuvrer depuis les années 1990 pour des négociations stériles. Dernière rencontre ? A la mi-avril, les représentants des neuf Etats du bassin du Nil se sont rencontrés dans la ville balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh pour parvenir à un accord mutuellement acceptable sur le partage des eaux du fleuve. Vainement. Meles Zenawi, le premier ministre éthiopien, accuse publiquement l'Egypte d'avoir «des idées dépassées selon lesquelles les eaux du Nil lui appartiennent». “Nous ne pouvions plus attendre longtemps, puisque nous négocions depuis plus de dix ans” explique ministre rwandais de l'Environnement, Stanislas Kamanzi. Comme ses collègues du Bassin, il suggère à l'Egypte de ne plus s'accrocher à « la notion obsolète selon laquelle elle possède le Nil et peut dicter la répartition de ses eaux » et que «les Etats en amont sont incapables d'utiliser l'eau parce qu'ils sont politiquement instables et frappés par la pauvreté». «Les données ont changé, et pour toujours» déclare Meles Zenawi précisant à l'endroit des Egyptiens qui pourraient toujours faire recours à l'arbitrage international que l'accord du 14 mai ne sera pas rouvert pour des négociations. Pour l'heure, l'Egypte qui pourrait accueillir une réunion extraordinaire des ministres de l'Irrigation des pays du Bassin du Nil en novembre, a réussi à convaincre la Banque mondiale de ne pas lancer de projets d'investissement hydrauliques dans les pays de l'amont. Jusqu'à quand ? La Chine se frotte les mains. Elle attend un signal de ces pays.