Comme il fallait s'y attendre, la démission du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, suite à l'ordre du chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), a vite suscité la réaction de l'ensemble des partis politiques. S'ils sont divisés sur le rôle qu'a eu à jouer l'institution militaire dans l'équation de déchoir Bouteflika, ils reconnaissent à l'unanimité que l'artisan de cette "grande victoire", c'est d'abord le peuple Ali Benflis, président de Talaie El-HourIat : "Il reste encore des bombes à désamorcer" "La démission du président de la République représente l'épilogue affligeant de deux décennies d'un immense gâchis. Le peuple algérien vient de clore l'un des chapitres les plus sombres de l'Histoire de notre pays (…). Je félicite de tout mon être le peuple algérien pour sa grande victoire démocratique (…). Mes pensées vont aussi à l'Armée nationale populaire qui, au moment de la difficile épreuve que vit notre pays, s'est positionnée dans le camp du peuple (…). Si le peuple lui-même a été l'artisan de sa révolution démocratique, l'ANP a aidé à l'aboutissement apaisé, serein et pacifique de sa toute première phase. Les premiers pas de la sortie de l'impasse politique, institutionnelle et constitutionnelle viennent d'être faits, mais le chemin de la refondation et de la reconstruction reste encore long. Il y a encore des bombes à retardement que l'ancien régime et ses alliés extraconstitutionnels se sont ingéniés à multiplier et qu'il s'agit, maintenant, de désamorcer les unes après les autres. Il y a la Présidence de l'Etat qui devra revenir à une ou à des personnalités irrécusables. Il y a un gouvernement discrédité et désavoué avant même sa formation qu'il importe de recomposer. Il y a un Conseil constitutionnel dont la présidence a pris fait et cause pour l'ancien régime et dont il faudra traiter le cas de manière compatible avec toutes les exigences d'une bonne tenue de la prochaine échéance présidentielle. Il y a enfin, la préparation, l'organisation et le contrôle de cette échéance qu'il faudra soumettre à des mécanismes acceptables pour tous (…)". Parti des travailleurs (PT) :"Attribuer la démission de Bouteflika à l'ANP est un mépris pour le peuple" "Si la démission du président de la République satisfait en partie les aspirations de la majorité, elle ne saurait, à elle seule, constituer l'issue positive conforme à la volonté de la majorité qui veut exercer sa pleine souveraineté sans tuteurs, ni représentants de fait quels que soient leurs qualités ou postes de responsabilité. Et tout responsable qui a participé activement à la répression des libertés démocratiques, doit partir. C'est la condition pour une véritable refondation politique, institutionnelle nationale consacrant la souveraineté du peuple. Attribuer, comme le font certains médias, partis politiques et autres activistes, dans un matraquage insupportable, la démission du président de la République à l'incursion brutale de l'état-major de l'ANP dans la décision politique, ce que d'ailleurs renvoyaient les images diffusées par les chaînes de TV, participe d'un mépris total et violent à l'égard de la mobilisation de dizaines de millions d'Algériennes et d'Algériens qui ne sauraient permettre que leur soit dénié, une fois de plus, le droit de décider de leur sort. Vouloir enfermer la révolution en cours dans le carcan d'une Constitution dépassée équivaut à imposer le maintien du système en place et du régime présidentialiste qui concentre tous les pouvoirs entre les mains d'un seul homme et donc des institutions à commencer par les deux Chambres du Parlement et le gouvernement rejetés par l'écrasante majorité du peuple. Elle équivaut à confisquer la volonté et la souveraineté de la majorité, seule source de légitimité, en imposant un calendrier débouchant exclusivement et d'autorité sur une élection présidentielle qui pérennise la nature du régime en changeant juste de Président (…)".
Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) :"La première grande victoire du peuple" "L'abdication annoncée du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, est la première grande victoire de la mobilisation populaire. Prévenant contre toute tentation totalitaire future, elle acte que le combat pacifique et déterminé est la seule voie pour recouvrer la dignité et la souveraineté pleine et entière sur notre destin. Les étalages publics des luttes à mort des clans qui ont squatté la souveraineté du peuple par la fraude, la répression et l'accaparement éhonté des richesses du pays n'ont d'objectifs que la sauvegarde de leurs intérêts via un simulacre de transition en vue de reproduire le système en place (…). C'est la mobilisation populaire et pacifique qui a fait capoter les feuilles de route successives agréées pourtant par le système dans tous ses démembrements. Les citoyens mobilisés dans la rue, chaque vendredi et dans leurs différentes corporations tous les jours de la semaine, sont les seuls à garantir une véritable transition de rupture avec le système politique, ses symboles, ses pratiques et ses figures. C'est la revendication citoyenne à travers l'ensemble du pays. L'Algérie nouvelle se construira par la mise en place d'organes de transition issus de la société civile mobilisée à travers les différentes corporations qui portent les revendications essentielles d'un Etat de droit, une justice indépendante et une armée républicaine qui se consacre à ses seules missions constitutionnelles sous une autorité civile."
Front des forces socialistes (FFS) : "épilogue de 20 ans d'un système totalitaire" "La démission du chef de l'Etat faisant suite à un ultimatum du chef d'état-major de l'armée, signe l'épilogue de vingt années d'un système totalitaire et mafieux. Mais, le chef d'état-major, qui espère s'adjuger indûment le titre de sauveur de la Révolution algérienne, ne peut nous faire oublier qu'il a soutenu tous les coups de force électoraux, validé les violations de la Constitution, permis la répression sauvage de toute forme de contestation sociale et approuvé toutes les lois liberticides et les options économiques qui ont engendré la misère sociale et la faillite financière de l'Algérie. Seule la formidable mobilisation pacifique des Algériennes et des Algériens a pu infléchir la posture arrogante et méprisante du régime politique totalitaire et mafieux et imposer une tournure imprévue et inimaginable. (…) la propagande méthodique et mensongère de certains médias aux ordres ne peut, en aucun cas, falsifier ou détourner le sens profond des revendications populaires. Les millions d'Algériennes et d'Algériens qui sortent depuis plus d'un mois maintenant, exigent le départ de toute la mafia politico-financière qui a bradé et dilapidé ses richesses ! La quasi-totalité de nos concitoyens a insisté, à travers tout le pays, sur l'impératif du changement radical du système en se débarrassant également de ses béquilles institutionnelles et de ses symboles…".
Mouvement de la société pour la paix (MSP) :"C'est un grand accomplissement du peuple" "La démission du président de la République est un grand accomplissement du peuple après le grand mouvement populaire visant à empêcher le cinquième mandat et la prolongation du quatrième mandat présidentiel, en attendant l'aboutissement des autres revendications pour la transition démocratique et de la consécration de la volonté populaire pour ne plus retourner à l'exploitation des institutions étatiques pour dominer la scène politique. L'appel de l'armée à l'application des articles 7, 8 et 102, requiert une action politique dans le cadre d'un consensus national qui réponde à la demande du mouvement populaire. L'objectif étant d'aller vers le changement politique souhaité par tous les Algériens, et d'engager les réformes politiques nécessaires pour la gestion de la transition. L'organisation des élections passe par la mise en place d'une instance électorale indépendante et une nouvelle loi électorale". Farid Abdeladim