Les derniers développements survenus cette semaine, marquée essentiellement par la démission de Bouteflika, n'ont pas eu raison de la mobilisation citoyenne. Ils étaient encore plus nombreux, hier, les citoyennes et les citoyens à descendre dans les rues de la capitale pour réclamer le départ de tout le système. La foule a pris possession des rues d'Alger en ce 7e vendredi de manifestation, le premier sans Abdelaziz Bouteflika qui a remis sa démission la semaine écoulée. "Trouhou gaâ" (vous allez tous partir), "Non aux 3 B", dans une allusion à Bedoui, Belaïz et Bensalah, respectivement Premier ministre, président du Conseil constitutionnel et président du Sénat, qui devraient, en vertu de l'article 102 de la Constitution, présider aux destinées de la période post-Bouteflika. La rue ne veut surtout pas revoir à la baisse ses exigences. Malgré les acquis arrachés jusque-là, la revendication principale, à savoir le départ du système, a dominé les slogans, hier, à Alger. Toutes les pancartes brandies appellent à la chute du système instauré depuis l'indépendance. "Ici, c'est son excellence le peuple qui décide. Il a dit que vous devez tous partir", ont écrit des jeunes sur une grande banderole. Les slogans des manifestants ont été adaptés à la nouvelle situation et résument le refus d'appliquer l'article 102 de la Constitution, surtout en perspective de la période d'intérim. "Cette option est rejetée, vu que c'est le président du Sénat qui assurera un intérim pendant une période", expliquent des jeunes rencontrés à la place Audin. "Le peuple ne veut pas d'une transition clanique", écrivent, quant à eux, des marcheurs sur des pancartes qu'ils ont brandies. Cette réaction de la rue confirme que la solution proposée, même dans le cadre de la Constitution, n'a pas eu l'assentiment des manifestants qui s'en tiennent plutôt à la souveraineté populaire comme source première de tout pouvoir. "Blad bladna, ndirou rayna" (le pays est le nôtre, nous ferons ce que nous voulons), scandent-ils. "Pour le jugement des voleurs" L'opération d'adaptation des slogans à chaque étape du soulèvement a connu hier une évolution. Les manifestants ont mis l'accent sur la nécessité de juger les "voleurs". Pancartes, mise en scène et slogans évoquaient à l'unisson la nécessité de faire bouger la justice contre "el-issaba" (la bande de malfaiteurs). Cette réaction suscitée principalement par l'emprisonnement d'Ali Haddad, le milliardaire le plus en vue de la caste des oligarques, a poussé la rue à réclamer le jugement de tous "ceux rendus coupables de faits de corruption". "Ya Haddad, essoupa bnina" (Haddad, la soupe de la prison est délicieuse), chantait à tue-tête la foule compacte. Les autres figures de l'oligarchie ont été également réclamées par la rue. "Voleurs ! Vous avez pillé le pays", "La justice doit bouger", "Rendez-nous notre argent"…, tels sont entre autres les slogans scandés contre l'oligarchie. Des jeunes, vêtus de jaune, les mains ligotées, mettaient en scène "le vœu du peuple de voir les voleurs condamnés", expliquent-ils. Avec une mobilisation aussi intacte que les vendredis précédents, avec des slogans encore une fois adaptés à l'évolution de la situation, la rue confirme qu'elle reste inflexible et refuse de céder sur ses exigences et revendications, à savoir le refus de "toute manœuvre" d'où qu'elle vienne.