Le chef de l'Etat par intérim a exhorté à l'application stricte de la Constitution. Il a subtilement signifié que le rôle du peuple se limite à élire son futur président de la République. Trente minutes ont suffi (en y incluant la récitation de versets coraniques et le chant de l'hymne national dans son intégralité) à activer, hier en fin de matinée, la mise en œuvre de l'article 102 de la Constitution, sans aucune référence aux articles 7 et 8, lesquels désignent le peuple comme source de pouvoir et de souveraineté. Sans l'opposition (FFS, RCD, alliance Adala-Bina-Nahda, MSP et évidemment les 14 députés démissionnaires dont les élus du Parti des travailleurs), le Parlement, réuni en ses deux Chambres, a pris connaissance du rapport du Conseil constitutionnel portant vacance définitive à la présidence de la République. Il n'en fallait pas davantage pour confirmer Abdelkader Bensalah, président dans ses fonctions de chef d'Etat intérimaire pendant 90 jours. Dans un discours préparé, ce dernier a livré les contours de la feuille de route du régime. Il a soutenu que durant cette courte phase de transition, tout le monde doit "concourir à appliquer strictement le contenu de la Constitution", et ce, pour arriver rapidement "à restituer au peuple la parole afin qu'il choisisse, souverainement, un président élu pour diriger le pays…". En termes clairs, les centres de décisions ne comptent nullement s'engager dans une voie politique de sortie de crise comme le demandent l'opposition et surtout la rue. Ils s'accrochent, comme à un sacerdoce, à la Constitution qu'ils ont, pourtant, violée à maintes reprises. Le dernier épisode en date renvoie à la destitution, à la hussarde, du président de l'Assemblée nationale, Saïd Bouhadja, dont le mandat courait pourtant jusqu'en 2022. L'homme a exhorté, en outre — subtilement certes —, les millions d'Algériens qui manifestent depuis 45 jours contre le système et ses appendices de ne plus occuper la voie publique. Ils doivent attendre le jour du scrutin présidentiel pour exprimer leur choix par des bulletins mis dans les urnes. Occultant complètement les revendications centrales de ses concitoyens ces derniers jours, soit son départ ainsi que celui du président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz, du président de l'APN, Mouad Bouchareb, et du Premier ministre, Nourredine Bedoui, Abdelkader Bensalah a salué "le peuple algérien, qui exprime avec force son unité et sa cohésion (…) brandissant un slogan portant sur le changement positif et l'édification d'une Algérie nouvelle, moderne, démocratique, assez grande pour tout le monde". Ses paroles, aux antipodes de la réalité, ont été démenties de l'intérieur de la salle des conférences du Palais des nations. Un député du front El-Moustakbel a porté haut une pancarte sur laquelle il avait inscrit en filigrane : "M. Bensalah, le peuple vous demande de démissionner". Le député du FLN, Slimane Saâdaoui, a, d'ailleurs, requis un point d'ordre avant l'entame de la plénière. Le président de la séance, Abdelkader Bensalah, le lui a refusé catégoriquement. Dans le règlement intérieur de la plénière, établi par la commission mixte chargée de la préparation du Congrès du Parlement réuni en ses deux Chambres, a été consignée l'interdiction formelle des parlementaires de s'exprimer. Plusieurs parlementaires du parti majoritaire, du front El-Moustakbel et des indépendants ont quitté aussitôt la salle, afin de ne pas cautionner la prise de fonctions à la tête de l'Etat, même avec des prérogatives restreintes et pour une durée limitée, d'un homme rejeté par le peuple.