Si les accusations ne se fondent que sur des soupçons liés aux déplacements à l'étranger de certains politiques, pourquoi les charges ne s'étendent-elles pas sur les séjours à répétition de certains responsables politiques dans les capitales occidentales et arabes ? Le vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, fait tout pour faire passer sa feuille de route, tandis que le peuple scande sans cesse le retrait de l'ensemble des figures qui ont incarné le régime de Bouteflika de ces dernières vingt années. Les divergences se sont creusées au fil des jours, mais surtout au fil des discours du chef d'état-major des armées qui, tantôt, appelle à la satisfaction de toutes les revendications du peuple et, tantôt, se confine dans la seule issue garantie par l'article 102 de la Constitution, laquelle a été, pourtant, à maintes reprises violée par Bouteflika ; des viols à répétition qui n'ont pas fait réagir le patron de l'armée. Le dernier discours d'Ahmed Gaïd Salah, prononcé mercredi dernier, confirme que le chef des armées ne renonce point à son schéma et semble décidé à jouer le rôle que lui confie la situation, n'hésitant même plus à brandir l'étendard de la menace contre "la main étrangère" et ceux que celle-ci tente de manipuler en interne. Par là même, Ahmed Gaïd Salah, dont les précédents discours rassuraient sur le soutien de l'armée au combat du peuple sur bien des questions, cautionne, désormais, l'action des trois "B", à savoir Bensalah, Bedoui et Belaïz, tant au plan de la gestion de la transition qu'au plan de la préparation des futures joutes électorales.Une action pourtant rejetée par la rue, mais que le vice-ministre de la Défense tente de justifier par l'impératif respect du cadre constitutionnel. Pis encore, pour tenter d'emballer son refus de contourner l'article 102 de la Constitution et céder la parole au peuple, Ahmed Gaïd Salah fait appel à nouveau à cette prétendue "main étrangère" qui semble guetter inlassablement l'Algérie, et que les politiques n'hésitent pas à agiter à même de maintenir l'ordre établi et de faire valoir la pensée unique. "Avec le début de cette nouvelle phase et la poursuite des marches, nous avons déploré l'apparition de tentatives de la part de certaines parties étrangères, partant de leurs antécédents historiques avec notre pays, poussant certains individus sur le devant de la scène actuelle en les imposant comme des représentants du peuple en vue de conduire la phase de transition, afin de mettre à exécution leurs desseins visant à déstabiliser le pays et à semer la discorde entre les enfants du peuple, à travers des slogans irréalisables visant à mener le pays vers un vide constitutionnel et détruire les institutions de l'Etat", a indiqué Ahmed Gaïd Salah dans son dernier discours prononcé, mercredi, devant les cadres et le personnel de la 5e Région militaire (Oran). Si l'on se fie aux propos du chef d'état-major, tout était réuni pour que les personnes prises en flagrant délit de conspiration contre la nation soient traduites devant un tribunal. Pourtant, ces prétendus "ennemis" de l'intérieur auxquels fait allusion ledit discours ne seraient point inquiétés jusqu'ici.Comme ce fut le cas avec ceux qui tenaient des conciliabules dans des résidences à Alger et dont l'objectif était de "manigancer contre la volonté du peuple". Idem pour cette "mafia qui s'est emparée des commandes de l'Etat" et qui s'est beaucoup enrichie en appauvrissant le peuple. Les discours se suivent et se ressemblent tout compte fait car, du moins jusqu'ici, aucune des accusations proférées par le chef des armées n'a été suivie d'actes concrets. Mercredi dernier, à Oran, Ahmed Gaïd Salah a ressorti cette théorie du complot à laquelle l'on ne cesse de recourir sans pour autant pointer du doigt les conspirationnistes afin de permettre à la justice de faire son travail. Il va jusqu'à perdre ses accents de chef d'état-major, dont les prérogatives sont clairement définies par la loi, usant de la puissance que lui confie le poste en cette conjoncture pour aller braconner sur les terres de la justice, promettant de rouvrir tous les dossiers de la corruption, dont les affaires Sonatrach, Khalifa et El-Bouchi.Or, le vice-ministre de la Défense est attendu surtout sur des dossiers qui sont les siens ; débusquer les conspirationnistes, les traduire devant les juridictions compétentes et protéger le pays contre cette "main étrangère" qui ne cesse de comploter contre l'Algérie. Les accusations de Gaïd Salah n'ont pas été officiellement suivies d'actes, ce qui suscite moult questionnements sur leur fondement. En revanche, si les reproches sont réellement justifiés, pourquoi le chef d'état-major ne dévoile-t-il pas les noms des conspirationnistes et ne les livre-t-il pas à la justice ? Autrement dit, si les accusations ne se fondent que sur des soupçons liés aux déplacements, à l'étranger, de certains politiques, pourquoi les charges ne s'étendent-elles pas aux séjours à répétition de certains responsables politiques dans les capitales occidentales et arabes ? Ahmed Gaïd Salah lui-même, a, à maintes reprises, séjourné ces derniers mois aux Emirats arabes unis.