Le discours prononcé par le chef de l'Etat avant-hier soir a déçu la communauté universitaire de Constantine qui était à l'avant-garde des manifestations citoyennes et/ou corporatistes depuis le 22 février et qui espérait une réelle avancée après deux mois et demi de mobilisation. Enseignants et étudiants étaient unanimes hier à reconnaître l'inconsistance du discours qui sonne comme une nouvelle provocation et qualifié de non-événement. "Personnellement, je crois que le gouvernement ne fait que gagner du temps en méprisant ce que le peuple revendique, à savoir, le refus du vote le 4 juillet. Bensalah se dit à l'écoute mais il n'écoute rien. Aucun d'eux n'écoute réellement. Son discours a été à la limite de la provocation. Il nous a servi 15 longues minutes ennuyeuses pour nous souhaiter un bon Ramadhan mais ce que je retiens c'est l'intérêt qu'il porte au vote que la communauté universitaire refuse catégoriquement. Je retiens également le caractère ambigu et habituel du gouvernement en évoquant des forces manipulatrices dont on entend toujours parler, mais que personne n'arrive concrètement à identifier", dira Amina Benelhaj enseignante-chercheure à l'université Mentouri de Constantine. Pour l'universitaire et syndicaliste Adel Abderzak, le discours de Bensalah n'est autre qu'un "vrai non-événement qui a juste servi à rappeler qu'il est là. Alors qu'on attendait sa démission vu sa délégitimation totale par le mouvement populaire. Il a surtout parlé sur injonction de Gaïd Salah qui veut insister sur le fait qu'il n'y a qu'un seul scénario, celui de l'élection présidentielle du 4 juillet. Le mouvement populaire, lui, se construit son propre scénario à travers des mots d'ordre clairs et tranchants. ‘Yrouhou gaâ'. Cela s'appelle une rupture systémique". Estomaquée par l'inconsistance du discours, Fatima Mekaoui dit : "À la fin du discours j'étais comme abasourdie. Bensalah reste en place et maintient les élections. Pouvoir autiste. De la poudre aux yeux avec les arrestations en série. Sinon comment expliquer qu'après le cuisant échec de la conférence, Bensalah rappelle au dialogue. En fait la conclusion c'est que le pouvoir après avoir vacillé, se remet sur ses jambes. Le refus de ses propositions conduira au pourrissement et alors tous les scénarios seront possibles. Le discours est plus à prendre comme une menace malgré le ton paternaliste. Il fait fi des revendications populaires et c'est gravissime." Même amertume exprimée, côté étudiants. "Pour nous, Bensalah ne représente rien. Ses discours n'ont aucune crédibilité ni fiabilité. Lui et son gouvernement n'écoutent pas ce que leur demande le peuple depuis le 22 février. Donc, je ne m'attendais pas à grand-chose, c'est pour cela que je considère son discours comme un non-événement. Notre seule et unique revendication est très claire : qu'ils partent tous et qu'ils laissent ce pays aux jeunes", nous dit Badis un étudiant en droit à l'université des Frères-Mentouri de Constantine 1. Pour Aymen, étudiant en littérature française, le discours de Bensalah "est méprisant à l'égard de toute une population qui est sortie depuis plus de deux mois pour les faire partir, notre réponse sera très claire. Nous continuerons à sortir et nous maintiendrons coûte que coûte notre mobilisation".