Les défenseurs du directeur du Matin, emprisonné depuis 13 mois, en appellent au chef de l'Etat pour “mettre un terme à ce grave dysfonctionnement dont ils veulent croire qu'il est involontaire, mais qui, en tout état de cause, heurte violemment les principes les plus élémentaires qui gouvernent notre droit”. Fait inédit dans les annales de la justice algérienne : le dossier de pourvoi en cassation de Mohamed Benchicou, détenu à la maison d'arrêt d'El-Harrach depuis le 14 juin 2004, transmis par le parquet le 24 octobre 2004 est introuvable au niveau de la Cour suprême, annonce un communiqué des avocats du directeur du Matin. La défense a fait toutes les diligences auprès des greffes concernés, mais sans résultat, note le même communiqué. Première conséquence de ce qui s'apparente à un énorme scandale : Mohamed Benchicou est mis dans l'impossibilité de faire valoir, du moins dans les délais raisonnables reconnus à tous les justiciables, ses moyens de cassation contre sa lourde condamnation confirmée. Un “égarement” qui intervient curieusement au moment où la Cour suprême, en proie aux lenteurs bureaucratiques, a décidé de se doter d'une chambre spécialement chargée de traiter avec “célérité” les pourvois relatifs aux détenus. Mais manifestement, c'est peine perdue. “Cette situation inédite serait constitutive, si elle se perpétuait, d'un déni de justice caractérisé et sans précédent dans l'histoire judiciaire de notre pays”, expliquent les avocats de Mohamed Benchicou. Face à cette grave atteinte aux droits du justiciable, les avocats de la défense, après avoir vainement saisi ce 17 juillet MM. le ministre de la Justice, Tayeb Bélaïz, ainsi que le Président et le procureur général de la Cour suprême, à l'effet d'ordonner “toutes diligences” pour assurer le respect du droit, en appellent désormais au premier magistrat du pays. “La défense de Mohamed Benchicou se voit donc dans l'obligation d'en appeler solennellement à Monsieur le président de la République, en sa qualité de premier magistrat du pays et de garant du respect des lois, pour mettre un terme à ce grave dysfonctionnement dont elle veut croire qu'il est involontaire, mais qui, en tout état de cause, heurte violemment les principes les plus élémentaires qui gouvernent notre droit”, conclut le communiqué. Incarcéré le 14 juin 2004 suite à une sombre affaire de bons de caisse, Mohamed Benchicou s'est vu confirmer sa condamnation à deux ans de prison lors d'un procès en appel tenu en août 2004. Depuis, et alors que son état de santé ne cesse de se détériorer, il est convoqué régulièrement au tribunal d'Alger pour répondre de plusieurs articles publiés par son journal, lequel est suspendu depuis fin juillet 2004. Il y a quelques mois, le parquet a rejeté une demande de mise en liberté provisoire introduite par ses avocats en raison de son état de santé qui ne s'améliore pas et que les moyens médicaux de la maison d'arrêt ne peuvent traiter avec efficacité. Cette saga judiciaire semble donc se poursuivre par la disparition de son dossier de pourvoi en cassation. Une preuve de plus pour Mohamed Benchicou. Peut-être une épreuve de trop. KARIM KEBIR