Les évolutions algériennes et soudanaises de ces dernières semaines ont continué, à raison, à concentrer la couverture des médias. Le spectre d'un "revival" pour le "Printemps arabe" (2011) n'est pas sans générer l'attention de journalistes et observateurs à l'affût d'un exemple de transition réussie dans la région. Une chose est sûre : l'intensité de la couverture est peut-être un peu retombée ces derniers jours, mais ce n'est pas pour autant que ces évènements sont derrière nous. Il arrive cependant à cette région du monde de nous rappeler à d'autres réalités. Ainsi va-t-il des dynamiques géopolitiques, sans lesquelles la compréhension des logiques moyen-orientales ne serait pas satisfaisante. Ainsi, dimanche 12 mai, une "attaque" est intervenue, dans la Zone économique exclusive (ZEE) des Emirats arabes unis, dans le golfe Persique, à l'encontre de quatre navires commerciaux. Parmi ceux-ci, deux pétroliers saoudiens, comme confirmé par la diplomatie saoudienne quelque 24 heures après ces attaques, ainsi qu'un navire émirati, et l'autre norvégien. En fait d'attaques, c'est plus exactement "d'actes de sabotage" que les diplomaties du Golfe parleront. Et d'ajouter que ceux-ci n'avaient cependant provoqué ni pertes humaines, ni fuite de carburant. L'événement était cependant assez important pour retenir l'attention. Quiconque se sera branché sur les chaînes d'informations à capitaux saoudiens et/ou émiratis le long de ces derniers jours l'aura constaté : certains pays du Golfe donnaient parfois l'impression de vivre leur propre 11-Septembre. Les éléments concrets relatifs à ces "attaques" étaient plutôt balbutiants, les tentatives d'interprétation et de clarification de la part des diplomaties régionales étaient superficielles, l'esquisse d'une grille d'analyse fiable demeurait impossible, mais cela n'empêchait pas l'entretien d'une tension constante. En ligne de mire : l'Iran, qui incarne généralement le rôle du "usual suspect" dans ces cas. Jusqu'ici, bien des zones d'ombre continuent cependant à entourer ce qui s'est réellement passé dimanche 12 mai. On notera à ce titre comment Associated Press, se basant sur des images satellites, fera remarquer qu'aucun dégât apparent n'avait semblé atteindre ces navires. Cela ne fera qu'alimenter des spéculations en retour sur le fait que ces "attaques" auraient été menées de manière sous-marine. Qui, une fois encore, autre que les Iraniens pourrait être intéressé pour recourir à des hommes-grenouilles et porter tort aux intérêts de navires appartenant à l'Arabie Saoudite ? À ce stade, la mise de l'accent sur cette hypothèse continue à avoir la faveur de bien des commentateurs. Des officiels américains, "sous le couvert de l'anonymat", abonderont également dans le sens de cette supposition. Pour le dire clairement, à moins d'être un insider proche des responsables de ces attaques, il y a à ce stade peu d'éléments permettant la production d'une analyse fiable et satisfaisante. La piste iranienne n'est jamais exclue ; mais la piste des ennemis de l'Iran ne l'est pas non plus. Comment en effet nier combien la pression exercée sur Téhéran le long de ces derniers mois s'accommode de ces évolutions ? Tout continue à se passer comme si l'Iran, que l'Administration Bush classait naguère dans "l'axe du Mal", devait demeurer confiné à cette catégorie. Il y eut certes une relative parenthèse Obama, qui aura le mérite d'accoucher du Joint Comprehensive Plan of Action, ou "Accord sur le nucléaire iranien", en 2015. Mais les termes de cet accord ont vécu depuis que l'Administration Trump a décidé de se désolidariser de ses termes. Les Etats-Unis sont clairs sur le fait que leur flotte navale, dont le porte-avions Abraham-Lincoln, sont actuellement utilisés aux fins d'adresser un message à l'Iran. Certaines diplomaties occidentales, dont la française, ont une tonalité qui a plutôt tourné à la fermeté vis-à-vis de Téhéran ces derniers jours. L'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis continuent eux-mêmes à être extrêmement critiques vis-à-vis de Téhéran. Le tout dans un contexte dans lequel l'Iran cumule, embargo économique renforcé oblige, problèmes économiques et adoption par certains de ses alliés traditionnels d'une certaine distance. Nous ne sommes pas nécessairement devant un scénario belliqueux qui impliquera l'Iran… mais les tambours de la guerre se font cependant entendre. Les pays du Golfe vivent une tension poussée, dont la région n'a vraiment pas besoin. B. M. (*) Enseignant-chercheur à Madrid et directeur de Stractegia Consulting.