La marche populaire de ce 13e vendredi à Constantine, moins imposante, n'a pas dérogé à ce qui a été observé lors des douze éditions précédentes, en ce sens qu'elle a reconduit la même détermination d'en finir avec le système politique en place. En dépit donc des conditions climatiques dissuasives, les Constantinois ont de nouveau fait entendre leur voix sous un soleil de plomb, sans se soucier, cette fois-ci, des derniers développements, dont la convocation par la justice, la veille, d'un cortège de hauts responsables. Une revendication portée par les mêmes manifestants depuis le 22 février dernier, lesquels semblent douter à présent de la crédibilité de la démarche, marquée, selon bon nombre de citoyens, d'opacité précipitant l'acte de moralisation de la vie publique aux dépens de la demande populaire insistante, à savoir le départ de tous les résidus du personnel politique de l'ère Bouteflika. C'est d'ailleurs à travers leurs slogans et pancartes que l'on décèle cette suspicion. "Non à une parodie de justice", "Non à une justice aux ordres", ou encore "Non aux règlements de comptes et à la justice du téléphone", pouvait-on lire sur quelques-unes des pancartes dont l'une résume un sentiment de frustration certain : "Le peuple n'est pas dupe - Libérez la justice - Libérez l'Algérie". Les quelques milliers de Constantinois, qui ont pris part à la marche d'hier, ont renouvelé, haut et fort, l'exigence du départ de l'actuel chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, et du gouvernement Bedoui, au même titre, d'ailleurs, que leur rejet de la tenue de l'élection présidentielle le 4 juillet prochain. "Makach intikhabat ya el-îssabat", répétaient-ils. Le chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, n'est pas épargné, lui aussi, puisque les marcheurs scanderont "El- djeïch dialna wa El-Gaïd khanna". Parallèlement, les portraits d'Ahmed Taleb Ibrahimi étaient présents en force lors de cette procession au même titre que des écriteaux suggérant cet ancien ministre des Affaires étrangères comme une personnalité consensuelle pour conduire une période de transition. Une opinion qui a suscité des palabres, houleux parfois, entre manifestants, puisqu'ils étaient très nombreux à considérer qu'une révolution menée par de jeunes Algériens qui sont parvenus à déposer un président de 83 ans ne peut s'accommoder de l'intronisation d'un vieux de 87 ans qui plus est ne s'est guère prononcé sur les dérives du système depuis plus de 20 ans. Et à ce titre, il y a lieu de noter que l'option Ahmed Taleb Ibrahimi est défendue particulièrement par des militants islamistes qui n'ont rejoint que tardivement le mouvement populaire du 22 février, œuvrant massivement à récupérer les espaces conquis par le peuple et n'hésitant plus à exploiter l'aubaine offerte par les marches citoyennes pour propager des prêches qui rappellent une période de triste mémoire. Kamel Ghimouze