"L'article 103 et la loi fondamentale dans sa globalité ne prévoient pas le cas d'absence de candidats", estime le spécialiste. Alors que l'élection présidentielle prévue pour le 4 juillet est logiquement remise en cause — il ne reste plus qu'à l'officialiser par le Conseil constitutionnel — car rejetée et par le peuple et par la classe politique, mais aussi disqualifiée par l'absence de candidats sérieux, le chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, persiste à défendre la solution à la crise que vit le pays par les urnes. Excluant "toute forme de transition en dehors de la Constitution", il n'entrevoit, en effet, de solution qu'à travers "l'organisation de l'élection présidentielle, le plus tôt possible". Or, tranchent les spécialistes, en dehors du maintien de l'échéance du 4 juillet, "l'actuelle Constitution n'offre aucune solution". Pas même les dispositions de l'article 103 de la Constitution dont il est évoqué l'extrapolation de l'interprétation en guise de parade à l'impasse à laquelle a conduit le processus électoral dans le cadre de l'article 102, et qui permettrait donc de justifier la poursuite dans le même processus électoral, soit le report de la présidentielle à une date ultérieure. "L'article 103 de la Constitution est inapplicable aujourd'hui, car il n'y a ni décès ni empêchement grave de candidat. Sauf si on décide d'une application abusive", a affirmé le constitutionnaliste Massensen Cherbi, citant les deux candidats supposés avoir déposé leur dossier au Conseil constitutionnel. Aussi, ajoute-t-il, cet article et la Constitution dans sa globalité ne prévoient pas le cas d'absence de candidats. Est-ce pour remédier à cette anomalie que le pouvoir a sorti les deux candidats en question ? Fort probable. L'article 103 prévoit qu'"en cas de décès ou d'empêchement légal de l'un des deux candidats au deuxième tour, le Conseil constitutionnel déclare qu'il doit être procédé à nouveau à l'ensemble des opérations électorales. Il proroge dans ce cas les délais d'organisation de nouvelles élections pour une durée maximale de soixante (60) jours. Lors de l'application des dispositions du présent article, le président de la République en exercice ou celui qui assume la fonction du chef de l'Etat demeure en fonction jusqu'à la prestation de serment du président de la République". Le report pour 60 jours n'est valable qu'en cas de 2e tour d'une élection. Donc, l'article 103 n'est applicable que lorsque les élections sont en cours. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Par aileurs, M. Cherbi souligne que l'actuelle loi fondamentale serait "dangereuse" à maintenir tant est qu'elle confère les pleins pouvoirs au président de la République. Il rappelle, entre autres, que le président de la République est "irresponsable politiquement et pénalement" (art. 177), qu'il dispose de plusieurs prérogatives exclusives, dont les décisions relatives (art. 208) à la révision de la Constitution et à la convocation des référendums populaires. L'actuelle Constitution donne aussi les pleins pouvoirs au président pour nommer et/ou limoger plusieurs hauts responsables d'Etat, dont les walis et les généraux. Ce qui fait dire au constitutionnaliste qu'accepter d'élire un président avec l'actuelle loi fondamentale, c'est accepter d'avoir "un dictateur constitutionnel". Pour lui, la révision de la Constitution s'impose si on veut éviter de retomber dans le piège du passé. De l'avis de M. Cherbi, la meilleure manière d'élaborer une Constitution démocratique est d'aller vers une Assemblée constituante.