La crise politique actuelle sera doublée au lendemain du 28 avril d'une crise institutionnelle qualifiée de « très grave » par la constitutionnaliste Fatiha Benabou. Le report de l'élection présidentielle, est, dit-elle, « un cadeau empoisonné ». Comment désamorcer la crise ? La démission du Président sortant avant la fin de ce mandat est la réponse la plus constitutionnelle et politiquement viable. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Après le 28 avril prochain, le Président sortant n'aura plus aucune légitimité et s'il s'entêtait à rester au pouvoir, il mènerait le pays vers une véritable impasse. C'est la constitutionnaliste Fatiha Benabou qui expliquait hier que passé ce délai, le texte fondamental ne lui conférera aucune prérogative au-delà de cette date-butoir. Son maintien à la tête à l'Etat serait une énième violation de la Constitution car aucune disposition de la loi n'évoque la possibilité de prolonger son mandat. La crise politique actuelle sera alors, craint-elle, doublée d'une crise institutionnelle dans un système d'hyper-Président qui a centralisé tous les pouvoirs entre ses mains et qui a œuvré pour la non-séparation des pouvoirs. Comment en sortir ? Pour l'invitée du forum du quotidien El Moudjahid, les réponses politiques ne sont pas toujours les meilleures, c'est même souvent du bricolage, dit-elle. Elle préconise un strict respect des dispositions de la Constitution qui, à travers l'article 102, évoque la possibilité pour le Président de démissionner. Dans ce cas, c'est le président du Conseil de la nation qui serait nommé à la tête de l'Etat pour une période de trois mois, le temps d'organiser l'élection présidentielle. Il n'y a pour Fatiha Benabou que la légalité des urnes qui doit primer. Dans cette conjoncture, dit-elle, il n'est même plus possible de rééditer l'expérience du HCE en raison de l'inexistence de personnalités jouissant de la légitimité dont bénéficiaient les membres du dudit conseil. La constitutionnaliste considère que la crise qui nous guette au-delà du 28 avril a été surfaite. Le 11 mars déjà, rappelle-t-elle, des décisions non réglementaires avaient déjà été prises , notamment la décision qui annule la convocation du corps électoral, chose qui est, dit-elle, antiréglementaire car aucune disposition ne confère au président de la République de le faire en l'absence d'une base juridique . Autre interrogation de Fatiha Benabou : pourquoi toute cette précipitation du Conseil constitutionnel d'archiver les dossiers avant même la parution du décret qui n'a été publié que le 14 mars alors que la délibération du conseil a été prise entre le 12 et le 13 mars ? Sur quelle base ? aucune ! Face à l'impasse qui se profile, Smaïl Lalmas , également présent au forum d'El Moudjahid, partage l'avis de la constitutionnaliste à quelques nuances près. S'il estime lui aussi que l'article 102 constitue une solution, il rappelle que la rue rejette le nom de Bensalah. Quelle alternative alors ? Pas le temps d'aller vers la Constituante proposée par le pouvoir. L'idéal, dit-il, serait qu'avant de démissionner, le Président sortant puisse nommer une personnalité consensuelle au niveau du tiers présidentiel du Sénat qui sera par la suite élue président du Sénat à la place de Bensalah et qui pourra alors gérer les affaires courantes trois mois durant en attendant l'élection d'un nouveau Président. Un scénario qui ne peut se réaliser que si le locataire d'El Mouradia décide de rendre les clés avant la fin de son mandat populaire. N. I.