En cas de récidive, le secrétaire général du Syndicat national des magistrats entend “prendre des mesures” contre le président de la Commission nationale des droits de l'Homme (CNCPPDH). Par ailleurs, il demande au chef de l'Etat de le rappeler à l'ordre. C'est en l'absence de l'accusé que Mohamed Aïdouni a prononcé son réquisitoire. Quant à la sentence, il a préféré la surseoir, à l'affût d'une nouvelle incartade. “C'est la première et la dernière fois que cette personne agit ainsi. Si elle s'avise une autre fois d'humilier les magistrats, nous prendrons les mesures nécessaires en temps voulu”, a-t-il menacé. S'exprimant au nom de ses confrères, le secrétaire général du Syndicat national des magistrats (SNM) visait à travers sa bravade Farouk Ksentini, avocat et président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'Homme (CNCPPDH). Il l'accuse d'avoir dénigré le travail des juges et déploré leur absence d'autonomie auprès des représentants de l'ONG internationale, Human Rights Watch, ayant séjourné récemment en Algérie. Le SG du SNM était accompagné de l'ensemble du bureau du syndicat dans sa rencontre avec les journalistes hier au siège du tribunal d'Alger. Après avoir expédié quelques questions d'ordre organique (le renouvellement des sections locales du SNM), sociale (le sort des couples magistrats éloignés l'un de l'autre dans des juridictions éloignées) et de carrière (le mouvement annuel des magistrats devant intervenir sous peu), le successeur de Mohamed Ras El Aïn, évincé en octobre 2003, a cristallisé l'attention de l'assistance sur sa diatribe contre Me Ksentini. Ne se contentant pas de ses propres avertissements, il en a appelé à l'intervention de Abdelaziz Bouteflika, en sa qualité de premier magistrat du pays, pour le remettre à l'ordre. Au président de la CNCPPDH qui reproche publiquement aux magistrats une négligence dans la prise en charge des dossiers de disparus, leur représentant syndical adresse des critiques identiques. “On lui a demandé d'enquêter, pas de faire des statistiques, ni de se limiter à entendre les familles”, a-t-il ironisé. À travers des piques acérées, M. Aïdouni a accusé Me Ksentini pêle-mêle de “menteur” et d'“incapable”. Autrement dit, l'échec de Ksentini dans l'affaire des disparus n'est pas imputable aux magistrats. “Il dit qu'ils sont paresseux et incompétents, honte à lui”, s'est-il écrié. Selon le SG du SNM, également membre du tribunal d'Alger, les juges ont accompli convenablement leur tâche dans le traitement des cas de disparitions. “Nous en avons recensé 5 000. La plupart ont abouti à des non-lieux pour absence de preuves matérielles compromettant les personnes citées par les familles. Nous le défions — Me Ksentini, ndlr — de nous ramener un dossier où un agent de l'Etat est véritablement impliqué”, a-t-il tempêté. Contrairement aux magistrats, la CNCPPDH avait toute latitude d'enquêter, a estimé l'orateur, compte tenu des liens qu'elle a noués avec différentes institutions comme les ministères de l'Intérieur et de la Défense. Enfonçant le clou, le juge soupçonne l'avocat de courtiser un poste ministériel, peut-être la Justice, en s'exhibant dans l'habit d'un rédempteur. “Où était tout ce monde quand les magistrats se faisaient égorger par les terroristes ? La Commission des droits de l'Homme n'a pas d'autres intérêts à défendre, comme ceux des femmes, des enfants… ”, s'est élevé M. Aïdouni. Il ne tolère pas les critiques de Me Ksentini, ni d'aucune autre partie d'ailleurs. Plus atténués, ses reproches à l'égard de la presse visent les auteurs des critiques contre le recours abusif à la détention préventive. “Cette mesure relève du pouvoir discrétionnaire du juge d'instruction. Le remettre en cause est une atteinte à l'indépendance de la justice. À quoi bon serviraient alors les magistrats si la décision appartient aux ONG et aux journalistes ?” a martelé le patron du SNM. D'après lui, le taux des prévenus ne dépasse pas 9%. Ce qui rend, à son avis, la justice algérienne plus clémente que celle de la France. Dans bien des domaines pourtant, les tribunaux algériens sont à la traîne. À une question d'un journaliste sur la réaction des juges face à des cas de torture, M. Aïdouni a rétorqué qu'en l'absence de plaintes, le parquet ne peut rien faire. SAMIA Lokmane