Le président de la Cncppdh a appelé les magistrats à plus de modération dans le recours à la détention préventive. Trop c'est trop. Alors que se poursuivent à tour de bras les procès avec à la clé des condamnations - très souvent à des peines de prison ferme - contre les journalistes de la presse écrite, Farouk Ksentini, celui que le président de la République avait chargé de la question des droits de l'homme, crie halte: «Les condamnations [des journalistes en Algérie]à la prison ferme sont excessives», a-t-il observé hier, en marge du séminaire sur la situation des droits de l'homme en Algérie, qu'organise durant deux jours à Alger, la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cncppdh), qu'il préside. Ainsi, c'est une personnalité proche du chef de l'Etat qui vient, contrairement aux usages officiels, de dénoncer mezza voce le recours «excessif» par les magistrats, à des peines aussi sévères. L'idéal est, de son avis, que la justice mette un peu de baume dans son fonctionnement vis-à-vis de la corporation des journalistes en optant, «dans le pire des cas» à des condamnations à la prison avec sursis. Le constat du président de la Cncppdh ne s'arrête pas à ce stade de virulence. M.Ksentini, dont l'opposition farouche au recours «massif et systématique» à la détention provisoire est de notoriété publique si bien qu'il s'est attiré, récemment, les foudres du Syndicat national des magistrats (SNM) - avec lequel d'ailleurs il est entré depuis dans une polémique qui n'est, semble-t-il, qu'à ses balbutiements - revient cette fois-ci à la charge et s'insurge contre cette pratique usée et abusée par les magistrats. Il plaide ni plus ni moins pour la suppression de la détention pour ce qui est des délits tout en la maintenant pour les questions criminelles. Les juges, se doivent à ses yeux, d'être plus modérés dans le recours à ce procédé et il est temps «de les inciter dans cette voie», suggère-t-il en précisant que les textes juridiques y sont «parfaits». Exacerbé par la sortie musclée de Djamel Laïdouni, le secrétaire général du SNM dans laquelle ce dernier avait vivement critiqué et M.Ksentini et l'organisation - la Cncppdh - qu'il représente, il déclare: «En aucune manière je n'ai accusé les juges, notamment dans l'affaire des disparus. Ce sont des accusations gratuites à travers lesquelles il [Laïdouni] tente de blanchir les magistrats. Le syndicat est une instance dont la seule mission est de protéger les intérêts socioprofessionnels des magistrats et non de s'ingérer dans des affaires qui ne le concernent pas.» Le président du Cncppdh a, pour ce qui est de la responsabilité des agents de l'Etat dans le cas des disparus, jugé quasiment impossible la poursuite de ces derniers et qu'il n'est pas du tout aisé de procéder à leur identification pour enfin les poursuivre en justice sinon «il nous faut 3000 magistrats pour réussir une telle entreprise», a-t-il avoué. Interrogé sur les raisons de l'absence du terroriste El Para lors de son procès samedi 25 juin au tribunal d'Alger, M.Ksentini, considère tout à fait légale cette absence et qu'il s'agit, selon lui, d'un comportement légalement justifié. A propos des ONG internationales des droits de l'homme, et particulièrement Human Rights Watch, qui a séjourné il y a quelques jours dans le pays, l'avocat joue fair-play indiquant que chacun, HRW et la Cncppdh, a émis son avis dans le respect le plus total.