Azzedine Belkadi a reçu ce jeudi l'hommage solennel et officiel de l'Etat en la personne du ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui. Tôt le matin, un impressionnant dispositif d'ordre quadrillait toute la région de Timezrit alors qu'un hélicoptère de la police ne cessait de tournoyer dans les airs, ajoutant une note lugubre à l'atmosphère de tristesse qui s'est abattue sur la région comme une chape de plomb depuis l'annonce de la tragique nouvelle de l'assassinat des deux diplomates de la mission algérienne à Bagdad. À Ighil Guemmour, malgré la présence massive des gendarmes et des policiers, ce sont les jeunes volontaires du comité de village qui assurent l'ordre et la vigilance. Ils régulent le flot des visiteurs vers le domicile des Belkadi qui ne désemplit pas depuis mercredi soir. Dès l'annonce de la terrible nouvelle, de très nombreux citoyens ont tenu, par leur présence, à exprimer à la famille soutien, aide et solidarité en ces heures pénibles. Des délégués du mouvement des archs sont là également. La veille, la population de Timezrit a organisé une veillée funèbre et des cierges ont été allumés sur les balcons et les places publiques pour rendre hommage à celui qui s'est toujours sacrifié pour les autres : pour son village comme pour son pays. Les proches et les amis de Azzedine tiennent à témoigner qu'il s'est toujours sacrifié pour le bien d'autrui en s'investissant, notamment dans la vie associative de Timezrit. “Il était généreux, modeste et discret et il travaillait dans l'ombre en vrai diplomate”, dit l'un. “S'il est resté célibataire, c'est pour mieux se consacrer aux enfants de son frère”, ajoute l'autre. Il faut dire que son frère Mouloud, diplomate en poste à Washington, est mort prématurément, il y a quelques années, après une courte maladie. Azzedine a fait de son mieux pour combler ce vide dans le cœur de ses neveux avant de marcher sur les traces du frère aîné. C'est à 11h45 que la délégation officielle avec, à sa tête, le ministre des Affaires étrangères et les autorités locales arrive à Ighil Guemmour pour s'engouffrer dans le domicile mortuaire. À 12h, comme dans tout le reste du pays, une minute de silence est observée par toute l'assistance dans la cour de la mosquée attenante à la maison familiale. L'imam, debout entre le ministre et le père de Azzedine, prononce une courte oraison funèbre avant de réciter des prières pour le repos de l'âme du défunt. Un quart d'heure plus tard, le cortège ministériel quitte le village après avoir pris congé de tous les membres de la famille réunis au salon familial. Les parents de Azzedine sont très affectés par cette nouvelle tragédie qui les frappe mais leur courage et leur attitude très digne forcent l'admiration de toute l'assistance. Dehors, sur les dalles romaines de la petite mosquée du village, on parle du défunt avec beaucoup de respect. Ici on le connaît bien et on hoche la tête avec tristesse en apprenant par la presse que des Algériens ont félicité des étrangers d'avoir exécuté d'autres Algériens. On est très triste, même si l'on n'accorde aucune importance aux élucubrations des illuminés du GSPC. Ou alors à peine l'once de mépris qu'elles méritent. Azzedine a grandi dans la cour de cette mosquée dont l'ombre a depuis toujours couvert la maison familiale. Les criminels, qui s'en sont pris à lui, ignorent qu'il est issu d'une famille maraboutique dont la vocation est de servir l'islam depuis une bonne dizaine de siècles. Il est d'ailleurs issu d'une prestigieuse famille, les Belkadi en l'occurrence, qui furent à la tête du royaume de Koukou édifié au début du 16e siècle. Après le bref hommage de la République à celui qui s'est sacrifié pour sa patrie, l'hommage de la population de Timezrit est loin de tarir. Un appel est lancé par le comité de village pour un arrêt de travail de 14 heures à 17 heures ce samedi. Une marche populaire est également prévue en direction de la daïra. Les sages du village ont également adressé un appel aux familles qui célèbrent le mariage de leurs enfants à observer une période de deuil en étant aussi discrets que possible dans l'organisation des réjouissances. La population a d'ailleurs précédé cet appel. La solidarité villageoise n'est pas encore un vain mot et les mariages à Timezrit se passent de tambour et de trompette. Pour finir, le vœu le plus cher de la population est que l'Etat algérien mette tout en œuvre pour retrouver le corps du défunt afin de lui donner une sépulture décente dans ce village qui l'a vu naître. Mais en tout état de cause, à Timezrit, on est résolu à lui édifier une stèle pour que nul n'oublie. Afin que son sacrifice ne soit pas vain, et que illuminés du Gspc et d'Al-Qaïda sachent que s'ils ont éliminé le corps de Azzedine, son esprit sera toujours là où sont ses racines. Djamel Alilat