Les contradictions de la politique étrangère américaine précèdent l'arrivée de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Washington a une longue tradition de consolidation de ses intérêts, au détriment de beaucoup de ses principes affichés. Ainsi, les programmes de démocratisation et de consolidation des droits humains sont financés à coups de millions, mais la disposition des Etats-Unis à s'en prendre et/ou à vouloir déstabiliser des leaders pourtant régulièrement élus est patente. En Iran, en 1953, Mohammed Mossadegh, Premier ministre démocratiquement élu, fut renversé suite à une action qui impliquait notamment les services de renseignements américains ; près de soixante ans plus tard, la colère américaine reste vive vis-à-vis de bon nombre de représentants politiques iraniens, président régulièrement élu compris. L'attachement des Américains à ce que la paix et la sérénité règnent dans le monde est également illustré par bien des discours ; mais la contribution de Washington à nombre de problèmes de la planète est tout aussi de mise. Les pollutions diverses et leurs liens avec le réchauffement climatique, les guerres (Irak, Afghanistan, terrorisme…) et les lourdes pertes humaines qui s'ensuivent, les ingérences (Venezuela, Libye, Syrie…) et leurs conséquences sur la stabilité régionale, les tensions diplomatiques et commerciales et leurs impacts sur la stabilité du système international sont autant de points auxquels les Etats-Unis ont largement contribué. Le mythe des Américains faiseurs de paix dépasse difficilement le stade de mythe, justement. Et l'idée qui veut que ce soit Washington qui ait défait les nazis en 1945 met trop souvent de côté la contribution fondamentale – et au moins tout aussi décisive – de l'URSS à ce même objectif. Les Etats-Unis se voient plus facilement critiqués aujourd'hui qu'ils disposent de Donald Trump à leur tête ; les salves régulières du locataire de la Maison-Blanche, sa faillible diplomatie du tweet, son manque de vision et d'intelligence politique, ou encore sa capacité à enchaîner des réactions à la fois agressives et contradictoires n'abondent pas dans le sens de l'image projetée par les Américains à travers le monde. Ce n'est pas pour autant que les personnes généralement promptes à défendre les Etats-Unis auraient viré pro-Russes ; les perceptions idéologiques et la manière par laquelle celles-ci bâtissent sur un ensemble de présupposés, dont certains historiques, continuent à maintenir une frontière étanche entre l'un et l'autre monde. Succédant à George W. Bush, Barack Obama avait pu, certes, bâtir une image plus reluisante des Etats-Unis ; mais ce n'est pas pour autant que Donald Trump écorne celle-ci aujourd'hui. Beaucoup restent convaincus que l'épisode Trump ne reste qu'une parenthèse qui ne doit en rien être confondue avec le pays et ses "valeurs et principes originels". Tout reviendra dans l'ordre un jour, selon eux. Voire. À l'heure d'analyser les Etats-Unis, on confond souvent présidentialisation du système américain, et choix des politiques du pays – ces dernières répondant à système complexe et, en très grande partie, opaque. Or, s'il est vrai que la personnalité et les conceptions des chefs d'Etat américains ont tendance à imprimer leur marque sur les mandats présidentiels, cela n'annule pas pour autant la notion de raison d'Etat. Donald Trump pas plus que George W. Bush ne portent l'Iran dans leur cœur ; un certain John Bolton, actuel conseiller à la Sécurité nationale des Etats-Unis et partisan notoire des guerres dites "pour la défense des principes", essaye certes de pousser Donald Trump à faire en Iran ce que George W. Bush n'aura finalement pas appliqué malgré ses menaces répétées, mais sans succès. Il y a une raison d'Etat qui semble faire croire aux Américains que la guerre doit être évitée autant que possible avec l'Iran. Ce qui n'empêche pas l'entretien de tensions. Ce panorama rend tout aussi illusoire de croire que la conférence de Bahreïn, qui réunit actuellement un grand nombre de représentants censés pouvoir aider à la résolution à terme du conflit israélo-palestinien, puisse se targuer d'initier quoi que ce soit de positif. Placée sous le signe de l'économie, cette conférence néglige les notions de politique et de justice. Et elle confirme que, à trop persister dans leurs erreurs, les Etats-Unis demeurent loin de pouvoir aider à la clôture de cette plaie béante. Qu'ils aient pour président un faucon ou une colombe. B. M. (*) Barah Mikaïl, directeur de Stractegia consulting, professeur associé à l'université Saint Louis de Madrid