De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi La capitale de l'Est offre un contraste hybride par endroits. Elle s'est quasiment investie dans l'expérience de la restauration de sa vieille ville dont les travaux sont en cours, tout en oubliant qu'il existe des immeubles depuis des lustres, donc parties intégrantes de la cité. Et ces immeubles ont bien besoin d'une cure de jouvence pour durer et ne pas «casser» l'harmonie de la ville. Autant de séminaires et de colloques nationaux et internationaux se sont succédé pour tirer les leçons des expériences étrangères en la matière. Si pour la médina une opération pilote est en phase terminale au niveau de l'avenue Mellah Slimane, même si on y trouve encore des immeubles qui continuent de subir le poids des lustres et parfois des intempéries, en témoignent les derniers dégâts enregistrés dans des habitations de cette avenue, il n'en est pas de même pour les bâtisses dites «coloniales» qui, pour la majorité, sont gérées par l'Office de promotion et de gestion immobilière (OPGI). Ces bâtisses ont subi de nombreux dommages avant de bénéficier d'opérations de réhabilitation. Mais les travaux qui étaient censés leur redonner une seconde vie n'étaient en fait que des liftings quasi superficiels. Quelques travaux de confortement par ci, un coup de peinture par là, et c'est tout. Ces immeubles continuent ainsi de vieillir et de se délabrer en attendant de véritables opérations de restauration, qui ne peuvent être concrétisées sur le terrain en l'absence d'un cahier des charges régulant et uniformisant les travaux des entreprises ou bureaux d'études chargés des projets. «Examiner le patrimoine constantinois, c'est étudier en même temps les conditions nécessaires à sa réhabilitation et parmi elles deux apparaissent déterminantes pour toute action : l'adhésion de la population et le montage financier.» C'est la lecture, voire la suggestion, émise par une architecte urbaniste de Constantine. Ce préambule n'est pas généré fortuitement, mais il s'articule autour de constats cumulant une «série de problèmes spécifiques de nature juridique, administrative, financière et technique, dont la prise en charge contribuerait à enrichir la réflexion sur la mise en place d'un plan de gestion du projet de réhabilitation en général», expliquera-t-elle. Selon notre même interlocutrice, «la politique de réhabilitation s'inscrit dans une logique d'embellissement et d'amélioration de l'état du parc immobilier vétuste de la ville de Constantine». Mais la grande poussée anarchique et urbanistique à laquelle a fait face la cité vient encore compliquer la tâche des pouvoirs publics pour réussir cet embellissement des villes. Comment sauver ou plutôt retaper ce qui reste de cette ancienne architecture encore debout ? Ainsi, il est difficile d'harmoniser le panorama du parc, ancien ou nouveau, sans en apercevoir des imperfections d'ordre technique ou esthétique. C'est le minimum que la capitale de l'Est demande à ses responsables pour préserver ses réalisations monumentales d'antan. La restauration du vieux bâti aura été initiée il y a quelques années par l'Office de promotion et de gestion immobilière (OPGI) auquel les pouvoirs publics ont confié la tâche en lui attribuant un fonds spécial de réhabilitation du parc immobilier. L'opération se poursuit dans quelques cités mais il semblerait que la cadence des travaux connaisse un léger ralentissement. Et l'achèvement des chantiers n'aura pas été facile, notamment pour ceux concernant les bâtisses de la rue du 19 Juin (ex-rue de France) qui ont pris un retard dans leur réhabilitation par absence de soumissionnaires potentiels. L'OPGI a toutefois bouclé la restauration, dans une première phase, de plus de 26 immeubles, dont la plupart sont situés au centre-ville. Actuellement, on dénombre quelques chantiers au quartier Coudiat dont les travaux en sont à l'étape du ravalement des façades. Les projets de réhabilitation lancés par l'OPGI ont, certes, montré des signes de satisfaction, mais il faut désormais songer à mettre en place un cahier des charges uniforme, ce qui fait défaut. Ce plan permettra aux entreprises de suivre un prototype inhérent à chaque structure. En d'autres termes, il s'agira de mettre à disposition les outils pouvant garantir la réhabilitation. Car «l'opération est menée sans un encadrement cohérent (architectural, technique, juridique et social) et en l'absence de directives strictes (cahier des charges) à élaborer par l'autorité communale», estime l'urbaniste qui soulèvera en outre «l'absence de prescriptions particulières, concernant l'aspect extérieur au vu de la qualité architecturale de l'immeuble : la logique de remise en état de la façade (restitution des moulures et des corniches, mise en valeur des encadrements des baies des logements ou des boutiques, choix des matériaux et des couleurs, restitution des menuiseries extérieures, restauration de la ferronnerie), est différente d'un bureau d'études à un autre». Sur un autre chapitre, elle déplore l'inexistence des normes d'habitabilité. Une donne souvent «ignorée» bien que faisant partie intégrale de la réhabilitation. «Imaginez le nombre de familles qui seraient demandeuses de logements si on se met à appliquer la fiabilité de l'habitabilité…» C'est pour cela, sans nul doute, que les travaux concernent uniquement la consolidation et le confortement des structures. Par ailleurs, si l'on veut explorer à fond la notion de réhabilitation, il faudrait aborder d'autres paramètres, dont le montage financier et l'adhésion de la population qui ne semble pas s'intéresser à ce projet par manque de sensibilisation. En somme, Constantine court plusieurs lièvres à la fois. Résorber son habitat précaire, s'occuper du logement social et agir délicatement pour prendre en charge le vieux bâti en vue de minimiser d'éventuels relogements qui peuvent résulter de sa destruction, ce qui, par ricochet, retardera la «débidonvilisation».