Le chanteur algérien Mehdi Laïfaoui a présenté, samedi dernier à Alger, son premier album dans un concert plein, au contenu autochtone, qui met en valeur la musique du terroir et à la forme moderne empreinte de sonorités jazz et de world music. Organisé par l'Aarc (Agence algérienne pour le rayonnement culturel), le concert a été accueilli, une heure durant, par le public restreint de la villa Dar Abdeltif, fleuron de l'architecture ancienne d'Alger du XVIIIe siècle, située au quartier d'El-Hamma (Alger) et classée au patrimoine national. Dans une ambiance des grands soirs, 11 titres ont été brillamment rendus, tirés de Trab Project ("Trab", signifiant en même temps poussière de terre et tarab), intitulé du nouvel opus de l'artiste, dans lequel les sonorités raï et gnawi sont intelligemment mêlées à des arrangements jazz et à des conceptions inscrites dans le registre de la musique du monde. Les formes populaires du raï bédouin et les chants des années 1930 ainsi que les textes du poète syrien Nizar Kabbani constituent l'essentiel du répertoire de l'artiste qui a choisi de l'enrichir avec des sonorités et des arrangements ouverts sur le jazz et autres sons d'Europe de l'Est. Avec une voix présente et étoffée, Mehdi Laïfaoui, très à l'aise devant le microphone avec un charisme imposant, a rendu, entre autres pièces, Passion, Fatati, Dzaier, Tu m'as rendu fou, Rayi, Ness Ellil, M'chit, Saydati et Sar li sar. Soutenu à la basse par Samy Guebouba, fils du célèbre comédien Ahmed Guebouba, dit Hamdane (1957- 2018), Hassen Khoualef à la batterie, Mohamed Layri à la percussion, Nazim Bakour à la guitare, et aux claviers synthétiseurs par Zineddine Djouadi, fils du grand poète et parolier Slimane Djouadi, Mehdi Laïfaoui s'est distingué par sa créativité, faisant valoir ses qualités confirmées d'auteur, de compositeur et d'interprète. Travaillée au quart de soupir, la musique de Trab Project est loin d'être un simple prétexte aux nombreuses cadences ternaires incitant au déhanchement, que recèle le patrimoine rythmique algérien ainsi bien mis en valeur, à travers une harmonisation composée et une orchestration synchronisée, réglée à la quadruple croche. Les instrumentistes ont eu du plaisir à jouer, faisant montre de toute l'étendue de leurs talents respectifs de musiciens virtuoses, exploitant ainsi la moindre mesure, dans ses espaces les plus étroits, pour placer un marquage ou une syncope et s'échanger des sourires dénotant de la grande complicité régnante et du plaisir à jouer ensemble. Dans une bonne synergie, rendue possible grâce au savoir-faire de Mehdi Laïfaoui, aux qualités de leader également, les spectateurs conviés à ce spectacle inédit ont assisté à une prestation de haute facture qui aura permis aux rythmes binaires de la pop et du funk au groove régulier, de cohabiter avec les cadences du alaoui, raï ou encore gnawi du terroir algérien et maghrébin. Le public savourant tous les moments du concert a longtemps applaudi l'artiste et ses musiciens, rappelés à l'issue de la prestation pour reprendre Dayha ou labess de cheikh Boutaïba Sghir. Programmé pour une représentation unique par l'Aarc, qui prévoit une animation tous les samedis de l'été 2019 à la villa Dar Abdeltif, Mehdi Laïfaoui a émis le souhait de pouvoir partir en tournée avec son groupe pour la promotion de son nouvel opus.