Les étudiants maintiennent le cap de la contestation. Ils ont marché, hier massivement, à Alger-Centre pour revendiquer le départ de "tous les serviteurs du régime".. Les thèmes et les slogans portés sur les pancartes brandies résument remarquablement l'état d'esprit des jeunes universitaires. Avant de parcourir les rues Bab Azzoun, Ali-Boumendjel, Larbi-Ben M'hidi, les boulevards Mohamed-Khemisti, Amirouche, puis la rue Mustapha-Ferroukhi et enfin la Place Maurice-Audin, les étudiants ont tenu un rassemblement à la Place des Martyrs, ponctué par une prise de parole des manifestants pour s'exprimer sur le panel de dialogue conduit par l'ex-président de l'APN Karim Younès. Ils ont, à l'unanimité, décrié la composante de cette instance de médiation. Ils ont également dénoncé les objectifs inavoués de ces médiateurs. "Mes chers camarades étudiants, faites attention aux tentatives de récupération, un domaine où le pouvoir en place excelle. Ces membres du panel, personne ne les a mandatés", lancera une étudiante avant que la foule ne se mette à crier haut et fort : "Ya lil arar, ya lil arar, el-issaba takoud el-hiouar" (La bande n'a pas honte d'annoncer qu'il conduit le dialogue) ou encore "Makach el-hiouar maâ el-issabat" (Il n'y aura pas de dialogue avec la bande). Immédiatement après, le cortège de manifestants s'est ébranlé en empruntant le circuit habituel. Les premières pancartes brandies hier par les marcheurs renseignent sur la détermination des étudiants. "Rien ne pourra nous arrêter ; ni la chaleur caniculaire et même les policiers ne sauront nous dissuader ou nous détourner de notre objectif final fixé un certain 22 février 2019 : le démantèlement du système politique et le départ de tous les serviteurs du régime", clamera un étudiant qui fait preuve de beaucoup de lucidité. "Le hirak est notre unique représentant", "Le hirak n'a pas besoin de représentants", "Les étudiants sont mobilisés pour libérer l'Algérie". Ces slogans sont largement revenus sur les pancartes brandies hier. A l'entrée de la rue Ali-Boumendjel, adjacente à la rue Abane-Ramdane abritant le bâtiment du tribunal de Sidi M'hamed, les manifestants ne cessent de scander : "Libérez les détenus", "Libérez l'Algérie" ou encore "Le peuple veut une justice indépendante". Des étudiants ont répété à l'envi : "Y en a marre des généraux" ou encore "Ya Gaïd, sache que l'Algérie n'est pas le Soudan". À la place Emir-Abdelkader, les deux figures du panel du dialogue, Karim Younès et Bouzid Lazhari en ont eu pour leur grade. Les manifestants ont rappelé, pour la circonstance, le parcours de ces "icônes officielles" du dialogue. "Karim Younès n'est autre qu'un cacique du FLN, il a fait toutes ses classes dans l'ex-parti unique, détrompez-vous : il fait partie du système que vous décriez depuis le 22 février. Le constitutionnaliste Lazhari Bouzid, sénateur dans le tiers présidentiel, a fait partie de toutes les instances qui ont confectionné les différentes moutures des Constitutions depuis 1996. Détrompez-vous." À mesure que le cortège avançait, le nombre de manifestants augmentait, puisque de simples passants rejoignaient le mouvement estudiantin. Si bien que cette manifestation ressemblait à s'y méprendre à celles des grandes mobilisations populaires du vendredi. Ainsi les jeunes et moins jeunes, les femmes et les vieux ont été particulièrement nombreux à battre le pavé aux côtés des étudiants. Les slogans phare de la révolution ont été scandés, avec insistance, par les étudiants. "Dawla madania, machi âaskaria" (Pour un Etat civil, pas militaire) et "L'Algérie n'est pas une caserne, mais une république". Arrivés au boulevard Amirouche, à hauteur des bâtiments abritant des sièges de banques publiques, les manifestants répètent en chœur : "Gaïd Salah mafikche ethiqa" (Gaïd Salah, tu n'es pas digne de notre confiance), "Klitou lablad ya essarakine", (Vous avez bouffé le pays, voleurs !). Les étudiants ont montré hier qu'ils ne sont pas près de lâcher les symboles du système : à l'issue de leur marche, ils ont fait le serment de rester unis et mobilisés jusqu'au départ de tous les résidus d'el-îssaba. Hanafi H.