Les étudiants ont passé hier, avec brio, la nouvelle épreuve du hirak. Ils ont démontré que leur mouvement est loin de s'essouffler et que la barre des revendications est toujours placée très haut : "le rejet du régime politique et le départ de tous les locataires du système". Le 22e mardi de contestation estudiantine dans la capitale se distingue par l'entrée en scène de nouveaux slogans dénonçant clairement les nouveaux décideurs du pays, ainsi que des écriteaux inédits qui résument la position des universitaires par rapport aux derniers événements intervenus sur la scène politico-médiatique. Sous une chaleur torride, les manifestants ont suivi le parcours habituel du hirak, pour rallier la place Maurice-Audin, depuis la place des Martyrs, en empruntant les ruelles exiguës de Bab Azzoun, la rue Larbi-Ben M'hidi, l'avenue Mohamed-Khemisti, le boulevard Colonel-Amirouche et la rue Mustapha-Ferroukhi. Les éléments des forces de l'ordre avec leurs gros engins étaient déployés tout au long de l'itinéraire de la manifestation. C'est à 10h40 que la marche s'est ébranlée. La foule s'est immédiatement mise à répéter un chant qui renseigne sur la détermination des étudiants quant à la poursuite du combat pacifique jusqu'au départ de tous les résidus de la "mafia politico-judiciaire". "Yed fi'l yed, ennahou el-îssaba wen zidou El-Gaïd" (la main dans la main pour déloger la mafia et El-Gaïd), "Y en a marre des généraux" ou encore "Ce n'est pas avec le ballon et l'équipe nationale que vous réussirez à nous détourner de notre objectif final. Vous vous trompez !" Parmi les slogans qui ont fait leur entrée hier dans l'album du hirak figurent : "Rebahna Sénégal, mazal les généraux" (on a battu l'équipe du Sénégal, il reste celle des généraux). Et le chant le plus entonné reste celui-ci : "La Bedoui, la Bensalah, El-Gaïd machi salah, hadhou gaâ taâ massalih" (Ni Bedoui ni Bensalah, encore moins Gaïd Salah, tous roulent pour leurs intérêts). En arrivant à hauteur de la rue Ali-Boumendjel, non loin du tribunal où un dispositif de police était mis en place pour empêcher les manifestants de rallier la rue Abane-Ramdane, un groupe d'étudiants brandissant le livre Les geôles d'Alger de Mohamed Benchicou s'est mis à crier "Libérez les détenus" ou encore "Libérez Bouregâa". Ils ont brandi aussi des pancartes pour "galvaniser et encourager" le peuple à maintenir sa mobilisation de vendredi : "Il ne faut pas rater l'opportunité de ce hirak qui constitue une étape historique." "Il faut bâtir une Algérie sans désaccord." Poursuivant inlassablement leur marche jusqu'à la place Emir-Abdelkader, les manifestants marquent une halte pour lire une longue lettre adressée au vice-ministre de la Défense et dans laquelle un manifestant apporte la réponse cinglante des étudiants par rapport à la dernière offre de dialogue plaidé par "la société civile" : "On s'adresse à vous M. le chef d'état-major. Vos intentions ne sont pas claires, avant d'évoquer l'organisation de la présidentielle, il faudra d'abord déloger les derniers membres d'el-îssaba, M. El-Gaïd, vous n'êtes qu'un fonctionnaire au service du peuple. C'est le peuple qui décidera désormais." Immédiatement la foule s'est mise à scander : "Makach el-hiwar mâa el-îssabate" (pas de dialogue avec les gangs) ou encore "Talaba ouaoune, lil hiouar rafidhoune" (les étudiants sont conscients et rejettent ce genre de dialogue). Autrement dit, ils refusent de cautionner "ces tentatives de médiation et de dialogue lancées par des cercles proches d'el-îssaba".