Sous une chaleur accablante, les Algériens sont sortis, hier, à travers le pays, donnant un nouvel élan au soulèvement populaire pacifique. Ce nouveau vendredi de contestation, intervenu la veille des fêtes de l'Aïd, qui a drainé une foule encore plus nombreuse malgré les vacances, se distingue par la conception de nouveaux écriteaux et le chant de slogans adaptés aux derniers événements politiques qui ont marqué la scène politico-judiciaire, notamment le discours du chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, et l'intervention de l'ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar depuis son "exil". En effet, la 25e "silmiya" a été d'abord marquée par la marche "inédite" organisée en fin de matinée d'hier depuis le quartier de Bab El-Oued jusqu'au jardin Mohamed-Khemisti, en face de l'emblématique "Grande-Poste", toujours placée sous une forte surveillance policière. Les marcheurs ont réitéré leur profond attachement à bâtir une véritable "Dawla madania" (Etat civil), en passant par une période de transition. Les brigades antiémeutes et leurs camions étaient aussi au rendez-vous pour "contenir" les marcheurs. D'ailleurs, les éléments des forces de l'ordre, avec leurs gros engins, étaient déployés tout au long des grandes artères d'Alger-Centre. De grands fourgons bleus étaient stationnés de part et d'autre de la rue, notamment au niveau de Didouche-Mourad, de la place Audin, du boulevard Mohamed-Khemisti. "Ils sont là pour nous décourager et nous dissuader", témoigne un manifestant, qui n'a raté aucune manifestation depuis le 22 février. En somme, les manifestants étaient encore plus nombreux après la prière du vendredi. En effet, une procession de dizaines de milliers de personnes prend d'assaut la rue Didouche, la place Audin, le boulevard Amirouche et la rue Hassiba-Ben-Bouali. Malgré un soleil de plomb, les voix clamaient un nouveau slogan : "El Djeïch Djeïchna, ecchhorta, eddarak khaoutna, lakin généralat adouna" (notre armée, c'est l'ANP, les policiers et les gendarmes sont nos frères, mais les généraux sont nos ennemis). Autre détail à retenir, la tentative des islamistes, comme chaque vendredi, d'imposer leurs slogans des années 1990. Un carré de manifestants portant des kamis a tenté d'imposer aux autres hirakistes le slogan qui traite de la désobéissance civile, mais peine perdue, puisqu'une foule plus nombreuse s'est simultanément mise à crier "Liyhab el-âaskar, irouh el-masser" (celui qui plaide pour un régime militaire n'a qu'à aller vivre en Egypte). D'ailleurs, c'est le slogan qui a été le plus scandé hier. D'autres manifestants ont marqué une longue halte à la place Audin, avant de se mettre à scander un slogan qui se veut une autre réponse à Ahmed Gaïd Salah : "Ya Gaïd Salah ana machi bandi, djite n defendi bladi" (je ne suis pas un bandit, je suis là pour défendre ma patrie). La foule reprend aussi de plus belle : "El yed fel yed, hâta nehiw Gaïd" (la main dans la main jusqu'au départ de Gaïd) ou "Y en marre des généraux". Les slogans écrits sur les pancartes dénonçaient, quant à eux, clairement, les dernières propositions du chef d'état-major ou du chef de file du panel, Karim Younès, qui en a eu d'ailleurs pour son grade : "Karim Younès à la poubelle" ou encore "Pas de dialogue avec el-îssabat". D'autres slogans de contestation ont fait leur entrée, hier, notamment ceux liés à la fête de l'Aïd ou à Khaled Nezzar qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt international. "Système de nettoyage : ya Bensalah, suis Khaled Nezzar, exilé en Espagne" ou "Général Khaled Nezzar va me manquer cette année, qui va égorger mon mouton". De par le thème qu'elle a développé, une grande pancarte résume la crise politique actuelle : "Combat des tyrans : c'est l'intitulé d'un nouveau film réalisé par le système. Gaïd Salah et Khaled Nezzar : les deux acteurs principaux. Le peuple a bien compris votre jeu." La 25e "silmiya" a été aussi marquée par la participation de certains leaders politiques qui ont été acceptés par la foule. La présence du leader du RCD, Mohcine Belabbas, adopté par le peuple depuis le premier hirak, continue de susciter un intérêt particulier parmi les manifestants. Il faut savoir enfin que la surveillance policière "accrue" dans les rues d'Alger a eu pour conséquence directe l'arrestation de deux manifestants dont le seul tort est d'avoir exigé le départ des résidus d'el-îssaba.