Les Béjaouis sont de plus en plus nombreux à marcher les mardis et vendredis. Pour la 30e marche d'hier vendredi 13 septembre, ils étaient des milliers, voire des dizaines de milliers à battre le pavé. Il est vrai que la révolte populaire survient dans un contexte tendu, marqué par l'arrestation de Karim Tabbou, mais aussi par l'agenda du pouvoir politique, qui tient, coûte que coûte, à l'organisation d'une élection présidentielle avant la fin de l'année en cours. Aussi, l'ombre de l'infatigable acteur du mouvement populaire du 22 février a plané au cours de cette imposante marche de Béjaïa. Beaucoup y ont exhibé les photos du coordinateur de l'Union démocratique et sociale (UDS - non agréé), ou exigé sur des pancartes sa libération ainsi que celles de Lakhdar Bouregâa, l'ancien commandant de la Wilaya IV historique, d'Issad Rebrab, le patron du groupe Cevital, des manifestants arrêtés pour port de l'emblème amazigh et pour la première fois, ils ont réclamé la libération du général à la retraite, Ali Ghediri, le candidat à l'élection présidentielle du 18 avril dernier, annulée par le président déchu. Et pour leur 30e marche, les Béjaouis, qui sortent par milliers et occupent la rue, ont prévenu les autorités politiques de leur intention de recourir dans les prochains jours ou prochaines semaines à la "désobéissance civile". Après l'avoir écrit sur des banderoles géantes, pour être visibles et perpétués sur des clichés et des vidéos, ils l'ont scandé à tue-tête, hier, tellement les manifestants en colère semblaient de cet avis. Le slogan a été repris par les différents carrés, formés par affinités ou catégories socioprofessionnelles. Sur deux grandes banderoles, les manifestants ont écrit "La désobéissance civile devient un devoir sacré", "L'Algérie en danger. La désobéissance civile est la seule et unique solution". Sur d'autres, on a écrit "Ya h'na, ya n'touma, Ya h'na, ya n'touma. Maranech habsine. Koul djemâa khardjine" (Soit vous, soit nous. Nous ne nous arrêterons pas. Tous les vendredis, nous sortirons). Les premiers manifestants sont arrivés très tôt, vers 11h30, sur l'esplanade de la maison de la culture Taous-Amrouche. Les autres commençaient à affluer par ce premier point de ralliement mais d'autres attendaient aux environs de Daouadji, de Nacéria et du siège de la wilaya, car l'itinéraire est long de quelque 3 à 4 kilomètres. Ils poussent jusqu'à Lakhmis, le boulevard Amirouche, la Casbah, la rampe du port, la gare ferroviaire, avant de se disperser au niveau de l'ancienne station de bus et de taxis. Bien qu'organisés en carrés distincts, les slogans se recoupaient autour des mêmes mots d'ordre : "Chaâb, la yourid houkm el askar" (Le peuple ne veut pas d'un régime militaire), "Dawla madania machi askaria" (Etat civil non militaire), "Goulou li l'Gaïed, dawla madania, machi askaria" (Dites à Gaïd (Salah, ndlr) que nous voulons un Etat civil, non militaire). Mais aussi, "Makanch intikhabet, ya l'issabate" (Il n'y a pas d'élections, bandes maffieuses), "Ulac, ulac, ulac l'vot ulac" (Il n'y aura pas de vote ou d'élection). Les manifestants ont également dénoncé le panel de Karim Younès, dont les membres sont qualifiés de "chiatine el-askar" (Lèches-bottes de l'armée). Par ailleurs, ils ont insisté surtout sur la libération de Karim Tabbou : "Libérez Karim Tabbou" mais aussi Lakhdar Bouregâa et les détenus d'opinion. Les manifestants ignoraient alors les nombreuses arrestations opérées dans la capitale.