Une fois de plus, la mobilisation citoyenne était au rendez-vous. Ainsi, plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont vigoureusement dénoncé l'arrestation puis l'incarcération jugée arbitraire de Karim Tabbou, pour motif d'"atteinte au moral de l'armée". "C'est un motif fallacieux pour faire taire une voix discordante et extrêmement gênante pour le pouvoir", a estimé Abdelghani Touati, militant des droits de l'Homme à l'échelle locale. Pour lui, le chef d'état-major de l'armée dicte ses injonctions à la justice. "Le nouveau ministre de la Justice parle d'une justice indépendante or, dans les faits, nous nous apercevons que la justice reçoit encore et toujours ses injonctions via le téléphone", a-t-il, en outre, déploré. La déferlante humaine hier dans les rues de Bouira, a, unanimement, exigé la libération de Karim Tabbou et l'ensemble des détenus d'opinion, à l'instar de Lakhdar Bouregâa. "Nous basculons lentement mais sûrement vers une dictature militaire et chaque jour que Dieu fait, nous en avons la preuve éclatante", s'est alarmé Laref Triki, syndicaliste dans le secteur de la santé. 14h. Le boulevard Zighoud-Youcef, qui traverse d'est en ouest le chef-lieu de la wilaya était noir de monde. Signe que la mobilisation a définitivement repris et que rien ni personne ne pourront arrêter la révolte de tout un peuple, les rues et ruelles de Bouira grouillaient de manifestants de tous âges, femmes enfants et vieillards, tous n'avaient qu'un seul mot d'ordre : "Halte à la dictature". Tahar Ould Amer, un ancien journaliste et militant de la cause amazighe, tout en brandissant une pancarte où on pouvait lire "Zouave et fier de l'être", s'est offusqué des dérives de certains médias, dont la télévision publique, qui ne se gêne plus pour utiliser un terme remis au goût du jour par la députée extrémiste Naïma Salhi. "Nous tenons à notre identité et à nos valeurs, l'Algérie et une et indivisible même si certains tentent par tous les moyens de semer la haine et la division (…) En ce 30e vendredi de révolte, je le clame haut et fort : je suis Zouave et fier de l'être !". Pour sa part, Mohamed Larbi-Cherif, un militant de la commune d'Ath Laqser, n'a pas caché sa colère face au "mutisme" du pouvoir en place. "Je ne sais pas ce que le système attend pour plier bagage ? Voir autant de monde revendiquer une seule et unique chose : dégagez tous et ne pas faire preuve de dignité en partant, je considère cela comme du mépris pour tout un peuple". S'agissant de l'élection présidentielle que le chef d'état-major veut "dans les plus brefs délais", la sentence du peuple est sans appel. "Elle n'aura pas lieu, sans une véritable période de transition". La marée humaine d'hier a, unanimement, condamné la "trahison" des membres du panel de dialogue et son coordonnateur Karim Younès. 15h30. Sur l'esplanade de la maison de la culture Ali-Zamoum de Bouira pleine comme un œuf, les marcheurs ont marqué une ultime halte pour exiger la libération de Karim Tabbou, tout en scandant le désormais célèbre slogan : "Ni Bensalah ni Gaïd Salah, yetnahaw gaâ !".