Il était attendu que les Sétifiens sortent en masse et que la manifestation qui, depuis la rentrée sociale, renaît de ses cendres atteigne sa vitesse de croisière. En effet, dès la fin de la prière du vendredi, les Sétifiens étaient très nombreux, plus nombreux que les semaines précédentes, à marcher, hier encore, pour dire non au vote organisé par les figures du régime en place qui incarnent le système Bouteflika et représenté par Bedoui et Bensalah. Les rues du centre-ville étaient noires de monde. "Wallah ma rana habsine, wallah ma rana habsine, makanch l'vote, wallah ma ndirou, Bedoui wa Bensalah, lazem y'tirou, hatta b r'sas w alina ytirou, wallah mana habsine" (Nous jurons qu'on ne va pas s'arrêter. Il n'y aura pas de vote. Bedoui et Bensalah doivent partir même s'ils doivent nous tirer dessus), ont scandé les manifestants, en rappelant que le peuple veut un Etat civil et non militaire : "Makanch intikhabat mâa el-îssabat" (Pas de vote avec les gangs), "Esmaâ ya l'Gaïd, dawla madania machi âaskaria" (Ecoute Gaïd Salah, nous voulons un Etat civil et non militaire), "Chaâb yourid el-istiqlal" (Le peuple veut son indépendance), "Nous voulons un Etat démocratique et non despotique" et "Gaïd Salah dégage !" En effet, les milliers de manifestants, qui étaient drapés dans l'emblème national et qui ont montré une détermination sans faille, étaient très clairs dans leurs revendications et leur refus de l'organisation d'une présidentielle, comme le souhaitent le général-major, Ahmed Gaïd Salah, et le chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah. Ils ont aussi scandé en chœur des slogans pour demander la libération de tous les détenus d'opinion, dont Karim Tabbou et Lakhdar Bouregâa, tout en fustigeant la presse publique et certains médias privés qui ont pris position contre la volonté du peuple qui est dans la rue depuis le 22 février : "Sahafa chyatine, ya lil âar, ya lil âar, Magharibya sawt el ahrar" (Presse lèche-bottes, Ô honte, Magharibya voix des hommes libres). Avant de marquer une halte devant le siège de la wilaya, les manifestants qui ont battu le pavé ont traversé plusieurs avenues et grands boulevards du centre-ville, en passant par le siège de la direction de la sûreté de wilaya et la cour.