Un rejet catégorique de l'élection présidentielle proposée par le chef d'état-major de l'armée a été exprimé. Moins de 24 heures après son discours, dans lequel il a suggéré la convocation du corps électoral pour le 15 du mois de septembre courant et l'organisation de la présidentielle dans les délais fixés par la loi, Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'armée, a reçu une réponse cinglante des étudiants. Hier, pour leur 28e mardi de mobilisation, ces derniers ont catégoriquement rejeté l'élection présidentielle proposée par le chef d'état-major de l'armée. "Pas d'élection avec les traîtres", "Etat civil et non militaire", "Que l'Algérie prenne son indépendance", "Y en a marre des généraux"... sont là les slogans scandés par des centaines d'étudiants rejoints, comme de coutume, par des milliers de citoyens. La marche d'hier a été marquée par un nouveau chant qui résume amplement la réponse de la rue à cette hypothétique élection. Tout au long de la marche, les manifestants n'ont pas cessé de répéter : "Makanch el vote oulah ma diro, Bedoui, Bensalah lazem itirou, oula habitou tiro, oulah manahabsin" (Il n'y a pas de vote, tu ne le feras pas, Bedoui, Bensalah il faut qu'ils partent, on ne s'arrêtera pas). Les étudiants, qui ont entamé leur marche de la place des Martyrs, ont, cette fois, modifié leur itinéraire. En effet, arrivés à la place Emir-Abdelkader, les marcheurs ont traversé la rue Colonel-Haouas afin de rejoindre la rue Asselah-Hocine puis aller vers l'Assemblée nationale. L'important dispositif policier mis en place a tenté de bloquer la marche pour l'empêcher d'atteindre l'APN, mais il n'a suffi que d'une dizaine de minutes aux marcheurs pour forcer le barrage policier en scandant "Pouvoir assassin". Ce changement d'itinéraire a été voulu par les étudiants pour signifier aux "décideurs que les étudiants peuvent changer d'itinéraire comme ils le veulent et qu'ils ne sont pas cantonnés à celui qu'ils avaient l'habitude de prendre", nous a expliqué un étudiant. Durant la halte observée devant l'Assemblée populaire nationale, les marcheurs ont réitéré leur refus de l'élection présidentielle. "Makanch intikhabat mâa el-îssabat" (Pas d'élection avec les gangs). Ils ont également scandé "FLN dégage". À l'attention des députés, un groupe de marcheurs a exhibé des billets de banque synonymes de corruption. Avant d'arriver au niveau de l'Assemblée, la marche a observé une halte devant le siège du panel de dialogue où ils ont scandé des slogans hostiles à Karim Younès et à la tenue de l'élection présidentielle. "Karim Younès à la poubelle", "Karim Younès maymethlnech ou el Gaïd mayahkemnech" (Karim Younès ne nous représente pas et Gaïd ne nous gouverne pas). "Ya s'hab el-kaskrot makanch el-vote" (Adeptes du casse-croûte, il n'y aura pas de vote). Rencontré durant la marche, le jeune Samy, qui s'était illustré par son intervention lors de l'irruption des étudiants au siège du panel, nous a indiqué que les étudiants sont de plus en plus conscients de l'enjeu et qu'ils sont mobilisés pour faire aboutir les revendications du peuple. Selon lui, l'organisation va encore s'affiner dans les prochaines semaines, a-t-il assuré. Les étudiants ont tenu à réaffirmer leur attachement à la souveraineté populaire. D'ailleurs, ils l'ont bien exprimé. "Siada chaâbia, marhala intiqalia" (Souveraineté populaire, période transitoire, ndlr). Les marcheurs n'ont pas oublié les détenus d'opinion en réclamant leur libération. À ce sujet, c'est le chef d'état-major qui est pointé du doigt. "Adala betilifoun, Gaïd wela feraoun" (Justice du téléphone, Gaïd est devenu un pharaon). Les manifestants ont aussi repris en chœur "Qolou lel Gaïd nidhamkom mat" (Dites à Gaïd que votre système est mort). Le moins que l'on puisse dire est que ce 28e mardi de mobilisation estudiantine marque le retour en force de la protestation. Selon l'un des étudiants présents, la contestation ne s'arrêtera qu'une fois instauré un Etat de droit civil. Pour lui, les étudiants sont disposés à durcir la contestation en envisageant d'autres actions que celle du mardi. En conclusion, il a affirmé que les étudiants sont même prêts à assumer une année blanche.