Au mépris des milliers de manifestants qui sortent toutes les semaines, le pouvoir poursuit la mise en œuvre de sa feuille de route et ne se soucie ni des appels au respect des libertés individuelles et collectives ni des aspirations à une véritable démocratie. Arrestations d'opposants, restrictions sur les libertés et interpellations de manifestants ; depuis quelques semaines, le pouvoir serre un peu plus les vis autour des manifestations populaires. Au fur et à mesure que l'on s'approche de l'élection présidentielle projetée vers la fin de l'année, les atteintes aux libertés se multiplient et se diversifient. Après avoir essayé d'étouffer la mobilisation populaire, le pouvoir vient de franchir un nouveau pas. En procédant à l'arrestation de Karim Tabbou, une des figures les plus en vue du mouvement populaire, il entend visiblement faire peur. Le message est manifestement clair. Les opposants qui oseront afficher une aversion assumée à la feuille de route du pouvoir seront neutralisés. Il suffira de remplir la case "chefs d'accusation" pour trouver un argument à l'arrestation. Pour ne pas se contenter d'arrêter les figures politiques connues, le pouvoir cherche à punir pour l'exemple. Pour cela, la police a trouvé un stratagème. Avant que les rues de la capitale ne soient remplies de monde, elle procède à des arrestations au hasard, notamment dans la matinée. Si dans un passé récent les arrestations étaient justifiées par le port de l'emblème amazigh, les interpellations opérées vendredi dernier n'ont aucun but précis. Une quinzaine de manifestants ont été interpellés durant la matinée tout simplement parce qu'elles se trouvaient dans la rue pour participer, comme leurs concitoyens, à la manifestation. Ils seront présentés aujourd'hui devant le procureur de la République. Aucune information officielle n'est venue étayer ces faits. Mais pour la première fois depuis le début des manifestations populaires le 22 février dernier, les autorités reprochent aux manifestants le seul fait de sortir dans la rue. Si les arrestations ne sont pas encore massives, rien n'indique que la situation restera en l'état dans les prochains jours. Dans sa quête d'aller vers l'élection présidentielle coûte que coûte, le pouvoir veut employer tous les moyens. À commencer par l'instrumentalisation de la justice afin de "punir" ceux qui ne partagent pas sa feuille de route. Cela a été prouvé à maintes reprises ; Lakhdar Bouregâa, Louisa Hanoune et désormais Karim Tabbou paieront le prix de leur opposition aux choix du régime. Preuve en est que l'interpellation du coordinateur de l'Union démocratique et sociale (UDS) est intervenue quelques heures seulement après la mise en garde lancée par Ahmed Gaïd Salah à ceux qui rejettent l'élection présidentielle. Ces derniers sont jetés en pâture et présentés comme des ennemis de la nation tout entière. En plus de cette main de fer que le pouvoir brandit à la face de ses opposants, le pouvoir ne veut rien céder. Il décide de maintenir en détention tous les prisonniers d'opinion. Malgré les innombrables promesses du chef de l'Etat par intérim, aucune mesure d'apaisement n'a été prise pour l'instant. Au mépris des milliers de manifestants qui sortent toutes les semaines, le pouvoir continue sa feuille de route et ne se soucie ni des appels au respect des libertés individuelles et collectives ni aux aspirations à une véritable démocratie. Il reste désormais à savoir jusqu'où ira le pouvoir qui, visiblement, est décidé à mettre en œuvre sa feuille de route. Adopter une répression de masse ? Au vu de l'évolution de la situation, tous les scénarios sont désormais possibles. À commencer par le risque de radicalisation des positions du pouvoir. Comme celle du mouvement populaire.