Pour le 30e vendredi consécutif, les Algériens ont affiché leur volonté inébranlable d'en finir avec le système politique. Dans plusieurs wilayas du pays, les manifestants ont dit non à l'élection présidentielle que le pouvoir compte organiser avant la fin de l'année. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - «On ne va pas se plier ». Cette phrase, inscrite sur une pancarte d'un manifestant à Alger, résume à elle seule la détermination populaire à poursuivre la mobilisation jusqu'à atteindre les objectifs de cette Révolution unique au monde qui illumine le pays depuis le 22 février. A ce serment, s'est ajouté un autre engagement porté sur une banderole déployée par les manifestants : «On ne tolérera pas le recyclage du système». La messe est dite et la mobilisation était très forte hier dans la capitale où un dispositif sécuritaire encore plus imposant a été déployé dès la matinée. D'ailleurs, plusieurs manifestants ont été interpellés avant le début de l'imposante marche de l'après-midi. Les agents de l'ordre ont empêché les manifestants de sillonner les rues du centre-ville, les confinant sur les trottoirs ou les repoussant vers les rues secondaires de l'axe Didouche Mourad-Audin. Ce climat tendu, entre manifestants pacifiques et forces de l'ordre, a persisté jusqu'à 13h lorsque les cordons de la police ont été retirés. Dans l'après-midi, des déferlantes humaines ont afflué vers le centre-ville en provenance des quartiers d'Alger. A partir de 15h, il était difficile de se frayer un chemin pour marcher. Depuis le mois de juin dernier, on n'a pas vu autant de monde à Alger, excepté le vendredi 5 juillet historique. En se mobilisant massivement, les Algériens ont apporté la réponse au pouvoir qui veut des élections avant la fin de l'année avec les résidus du régime de Bouteflika. Ciblant les généraux et le chef d'état-major de l'armée, ils ont rejeté ces élections, exigeant au préalable le départ de Bensalah et de Bedoui. Depuis la matinée jusqu'au soir, les citoyens ont dénoncé l'arrestation de Karim Tabbou, ancien premier secrétaire du FFS, actuel chef de l'Union démocratique et sociale (UDS) qui est placé jeudi sous mandat de dépôt par le tribunal de Koléa (Tipasa), pour «atteinte au moral de l'armée». Ils ont salué l'engagement de ce dernier dans le mouvement populaire, lui rendant de vibrants hommages et exigeant dans les slogans et dans les pancartes sa libération ainsi que celle de tous les détenus d'opinion. Ses enfants ont été présents à la marche, à côté du président du RCD, Mohcine Belabbas. Unanimement donc, les manifestants ont rejeté les élections «avec les bandes». Ils ont lancé des slogans significatifs de leur rejet de tout autre régime que celui basé sur la démocratie et l'Etat de droit. Le slogan «pour un Etat civil et non militaire» est souvent complété par «Algérie libre et démocratique». Sur leurs pancartes, les manifestants n'ont pas manqué d'imagination et d'inventivité. L'un d'eux, ironisant sur l'ignorance des marches par les chaines de télévision, a écrit : «ma voix n'arrive même pas à la télévision, comment arrivera-t-elle à l'urne ?». «Le pouvoir qui n'écoute pas son peuple creusera sa propre tombe», clame un autre, alors qu'un citoyen a trouvé cette simple formule pour exprimer son opinion : «aucun dictateur n'est sorti victorieux contre son peuple». Cette mobilisation populaire d'envergure mènera-t-elle le pouvoir à revoir sa copie ? L'impasse devient de plus en plus dangereuse avec un pouvoir qui cherche à imposer sa feuille de route et un mouvement populaire puissant qui ne compte pas se laisser faire. K. A.