Il aura suffi qu'une élue du Parlement européen s'exprime sur le hirak pour déclencher une avalanche de réactions parmi ceux-là mêmes qui, depuis le début du mouvement en février, se sont terrés et réduits presque à la clandestinité. Dans une réaction aux propos de la présidente de la sous-commission des droits de l'Homme du Parlement européen, Marie Arena, reprise par l'agence officielle, le groupe parlementaire du FLN, dont deux responsables sont en prison, a dénoncé des "déclarations provocatrices" en les assimilant à une "tentative d'attiser les tensions pour s'immiscer dans les affaires internes de l'Algérie en dénaturant les vérités". "L'Algérie n'a nullement besoin de diktats étrangers scandés à partir de certaines tribunes pour faire la promotion de thèses et de contrevérités éhontées", souligne ce groupe. Vendredi dernier, Marie Arena, qui s'était déjà exprimée auparavant sur l'incarcération de Karim Tabbou, n'avait pas hésité à plaider la cause des détenus d'opinion et à exprimer son soutien au hirak. "Nous les soutenons ici au Parlement européen, nous continuerons à suivre la situation en Algérie", avait-elle affirmé. "Voilà 32 semaines que les citoyens algériens manifestent massivement et pacifiquement pour une Algérie libre et démocratique. Je soutiens leur action et particulièrement celle de la jeunesse algérienne qui fait preuve d'un engagement citoyen admirable", avait-elle écrit dans un court texte accompagnant une vidéo. Pour elle, ceux qui manifestent en Algérie "demandent effectivement bien sûr que des élections soient organisées, mais pas sous le modèle actuel, pas sous le régime actuel, pas avec les règles du régime actuel". "Ils demandent qu'il y ait des changements au niveau de la Constitution, qu'il y ait un pluralisme politique, qu'il y ait une liberté d'expression et d'association, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui en Algérie", observe-t-elle. Des propos vite dénoncés par les partis souvent si prompts à donner de la voix aux orientations du régime. Car, outre le FLN, des partis comme l'alliance Ennahda-Adala-Bina, le MPA, dont le président est également en prison, ou encore Talaie El-Houriat ont également dénoncé ce qu'ils considèrent comme une "ingérence". Points communs entre ces partis : inscrits aux abonnés absents face aux multiples exactions et autres atteintes aux libertés et aux emprisonnements à tour de bras de militants politiques, associatifs, voire d'anciens maquisards. Et à l'exception du parti El-Adala, tous sont inscrits dans la démarche du pouvoir, celle de l'organisation de l'élection. Si l'on ne peut objectivement leur dénier le droit de "crier au loup" et de dénoncer l'ingérence, qu'aucun Algérien n'accepte au demeurant, il reste que cette promptitude et cette célérité à réagir aux propos d'une élue de la part de partis, qui ont accompagné toutes les politiques du régime ayant conduit au désastre national, à la propagation de la corruption et à la délinquance des institutions, fleurent la démagogie, voire une volonté de diversion et d'instrumentalisation. Car enfin, on n'a pas entendu ces partis réagir au récent communiqué du FLN rapportant les propos de l'ambassadeur russe. Et qu'en est-il de la prétendue "ingérence" de certaines monarchies du Golfe que les Algériens dénoncent chaque vendredi lors des marches ? Pourquoi n'a-t-on pas assisté à une telle levée de boucliers après les propos de l'ambassadrice canadienne ? Faut-il rappeler que l'Algérie, qui a pu se défaire du colonialisme grâce à une solidarité internationale, exprime, elle aussi, sa solidarité à l'égard des peuples en lutte pour la liberté, à l'image des Palestiniens, des Libyens et, autrefois, des Sud-Africains, sans qu'elle soit accusée d'ingérence. Combattre l'ingérence est un devoir pour tous, mais nous ne pouvons empêcher les autres exprimer leur soutien à un mouvement pacifique qui a suscité l'admiration du monde entier, de l'avis même des tenants du pouvoir, et dont la revendication est la démocratie et le respect de son choix souverain et des libertés. Exactement ce à quoi souscrit l'Algérie dans son accord d'association avec l'UE.