"J'aimerais ressortir d'ici avec le sentiment d'avoir plaidé dans un tribunal et non pas dans une caserne", a appuyé à l'adresse du président d'audience, lors de sa plaidoirie, l'un des défenseurs de Semani Amazigh et de Tanfiche Ameziane. Au même juge, un autre avocat dira sans détour : "On veut faire de vous des législateurs du déni de droit." C'est dire la teneur des plaidoiries qui ont marqué ce procès dans une salle archicomble. Il aura fallu, d'ailleurs, l'insistance des avocats de la défense auprès du président d'audience dès l'entame du procès, afin de permettre aux nombreux citoyens, notamment les amis et proches des deux prévenus venus de Toudja, dans la wilaya de Béjaïa, d'assister aux débats, après leur empêchement par les policiers d'accéder au tribunal. Un procès où les plaidoyers ont pris le dessus même si les avocats n'ont pas manqué de souligner les vices de procédure qui entachent le dossier et l'absence de preuves justifiant les charges retenues contre les deux accusés. En effet, c'est sur la base du premier article du code pénal qui stipule qu'"il n'y a pas d'infraction, ni de peine ou de mesures de sûreté sans loi" ou encore la loi fondamentale dans ses chapitres consacrant l'amazighité comme élément constitutif de l'identité nationale, que le collectif composé de plus d'une dizaine d'avocats des barreaux de Constantine, de Béjaïa et de Tizi Ouzou ont tenté de démontrer le caractère factice des accusations. Il y a d'abord le motif de l'arrestation de Semani Amazigh et de Tanfiche Ameziane la semaine dernière au centre-ville de Constantine alors qu'ils prenaient des photos avec l'emblème berbère qui est abordé par tous les avocats. Rappelant que cet emblème qui symbolise l'unité de tout le nord de l'Afrique était, il y a peu, brandi avec fierté dans tous les stades du pays et en toutes autres circonstances, ils feront remarquer qu'il n'est devenu objet de délit qu'après le discours du chef d'état-major de l'armée le 18 juin dernier. "L'atteinte à l'intégrité du territoire national par le port d'un emblème autre que le drapeau national", tel que consigné dans le dossier de cette affaire, déroge, selon eux, à l'esprit du code pénal, notamment son article 79 qui stipule que "quiconque a entrepris, par quelque moyen que ce soit, de porter atteinte à l'intégrité du territoire national est puni d'un emprisonnement d'une durée de un à dix ans et d'une amende de 3 000 à 70 000 DA" et tant que le port de quelque emblème que ce soit n'est mentionné ni puni par aucun article de loi. Cette cause défendue par le collectif des avocats fera dire à l'un d'eux qu'elle est plutôt un facteur d'union puisqu'elle a réuni des avocats de Constantine, de Béjaïa et de Tizi Ouzou. Toutes les plaidoiries abonderont dans le même sens au point que l'on avait l'impression d'assister au procès du "vice-ministre de la Défense" qui est explicitement désigné par les avocats. L'autre point sur lequel ils s'attarderont est la procédure de fouille du contenu du téléphone de Semani Amazigh, faite, selon eux, sans mandat du procureur et constitue, donc, "une violation de la vie privée des personnes". Et sans s'attarder sur les faits, le représentant du ministère public requerra dès sa prise de parole des peines de 5 et 3 années de prison ferme et une amende de 100 000 DA à l'encontre de Semani Amazigh et de Tanfiche Ameziane. Pour rappel, les deux accusés étaient arrivés à Constantine en provenance de Béjaïa, mercredi passé à moto. Ils ont été arrêtés par des policiers au centre-ville en train de prendre des photos avec l'emblème berbère. La procédure de comparution immédiate décidée par le procureur qui les avait auditionnés est récusée par les prévenus. Aussi, le magistrat instructeur qui a remis en liberté provisoire Tanfiche Ameziane ordonnera la mise sous mandat de dépôt de Semani Amazigh. Le verdict sera connu mercredi prochain.