Comme chaque jour depuis le début des vacances scolaires, la petite bande de copains vivant au quartier Seddikia, à proximité de la direction de la Cnep, s'est donné rendez-vous pour une partie de foot sur le parking. Ils ont entre 9 et 13 ans et, comme des “pros”, ils s'échauffent avant de disputer leur match. Ils habitent un pâté de blocs et se connaissent. Durant l'année, ils fréquentent tous la même école. Aujourd'hui, l'équipe adverse, tenez-vous bien ! ce sont des filles, du même quartier, des mêmes blocs… Pendant plus d'une heure, ils mèneront tous, les uns contre les autres, un âpre combat autour du ballon : cris, éclats de rire, disputes… Puis, les grands qui se prennent pour de “vrais joueurs” feront le ménage. Ils chassent les gosses pour accaparer l'aire de jeux et disputer leur propre match. Les gamins ne font pas le poids… Dépités, ils vont se réfugier dans le hall d'un bâtiment et là, ils resteront longuement à causer. Dans l'après-midi, à l'heure de la sieste, quand il fait trop chaud pour traîner dehors, nos copains se retrouvent à nouveau dans une cage d'escalier. Papotant autour d'histoires de pistolets, de films de karaté, jouant parfois aux cartes ou au Monopoli, les filles, les plus petites, sortent leur attirail de poupée et de dînette. La cage d'escalier est durant l'été leur espace de jeux, leur univers de vacances. Les conflits pour cause de bruit sont fréquents… mais tout passe. Ces scènes d'enfants, s'efforçant de tuer le temps durant leurs vacances d'été, se retrouvent dans tous les grands quartiers d'Oran : El Hamri, les Amandiers, l'Usto… Au centre-ville y compris, il est presque normal de voir des jeunes livrés à eux-mêmes, traînant sur les trottoirs, jouant encore au ballon dans les ruelles. Tous ces enfants ne connaissent pas le plaisir d'aller au bord de la mer. Les vacances pour eux sont synonymes uniquement de “houma”… Anis, qui souffre d'asthme, nous dit : “moi, mes parents, ils travaillent en été… ils sont dans un bureau d'étude… alors ils ne peuvent pas nous amener à la mer, mon frère et moi…” Fatima, une mignonne brunette de 11 ans, nous dit très gênée : “On est beaucoup à la maison, on vit chez ma grand-mère… on ne peut pas aller à la mer, c'est trop cher !” Ils sont ainsi des milliers d'enfants à ne pas avoir de vacances. Le coût pour un après-midi en bord de mer est trop élevé pour les ménages modestes : entre le transport, l'accès à la plage, la préparation du goûter… Alors, les enfants se débrouillent pour s'amuser comme ils peuvent. Pourtant, le plan bleu qui a été mis en place cette année dans la wilaya d'Oran permettra de sortir en juillet-août quelque 15 000 enfants démunis. Ce programme mené en collaboration entre les Maisons de jeunes et les associations a pu faire bénéficier en juillet 4 862 enfants des bienfaits de la mer. Une moyenne de 5 sorties par semaine est ainsi prévue. Les enfants sont assurés et encadrés par des animateurs et des surveillants de plage. 15 000 c'est beaucoup, mais c'est peu face à cette population de jeunes généralement livrés à eux-mêmes et qui ne font l'objet d'aucune attention. Les besoins socio-éducatifs dans les quartiers sont énormes et il n'y a aucune structure mise en place, ou si peu, pour proposer aux enfants des animations dans les quartiers. Les fameux terrains de jeux combinés qui ont été construits ça et là dans certains quartiers, pas les plus nécessiteux, sont toujours pris par les adultes. Aucune organisation de gestion de ces espaces n'a été mise en place. Alors, notre petite bande de copains d'Es-Seddikia continuera longtemps encore à “hanter” les cages d'escalier, au grand dam de certains locataires. F. BOUMEDIÈNE